• 31 - Nasredd in et le cocher

    Djeha-Hodja Nasreddin  rentre chez lui, contrarié par une mauvaise journée. Et pour une bagatelle, le voilà qui se dispute avec sa femme :
    - J'en ai assez, je m'en vais, je quitte la maison !
    Affolée et désemparée, sa femme lui court après en demandant :
    - Où vas-tu ? Dis-moi au moins où tu vas aller...
    Djeha-Hodja Nasreddin claque la porte, sans répondre et s'en va. Une fois dehors, il arrête une calèche qui arrivait et s'installe sans rien dire.
    - Bonjour, Djeha-Hodja Nasreddien, où veux-tu aller, lui demanda le cocher
    - Comment ça, où je veux aller. Je ne l'ai même pas dit à ma femme et tu veux que je te le dise à toi !
     

    32 - La grasse matinée

    Djeha-Hodja Nasreddin et sa femme paressaient au lit et aucun d'eux n'avait envie de se lever.
    - Kalima, dit Djeha-Hodja Nasreddin, va voir dehors s'il pleut encore.
    - Non, le temps est sec, sinon tu entendrais le bruit de la pluie sur le toit.
    - Alors, lève-toi pour mettre une bûche dans le feu.
    - Tu ne vois pas d'ici qu'il reste encore des braises dans la cheminée ?
    - Je vois que tu n'as aucune envie de te lever. Puisque tu as réussi à faire deux tâches sans sortir du lit, dis-moi comment tu comptes t'acquitter de la troisième ?
    - Laquelle ?
    Interrogea Kalima
    - Traire la chèvre qui se trouve dans la cabane, au bout du jardin.

     

     

    33 - Le potage de la belle-mère

    En voyant sa femme pleurer sans aucune raison, Djeha-Hodja Nasreddin lui demanda
    - Que t'est-il arrivé ?
    Sa femme, séchant ses larmes, lui répondit :
    - Je me suis souvenu de ma pauvre mère. Elle aimait tellement ce potage. C'est elle qui m'a appris à le faire.
    Djeha-Hodja Nasreddin connaissait sa belle-mère et avait beaucoup de respect pour elle. Donc il n'a rien dit. Il a pris une cuillerée de potage et l'a avalée. Ses yeux se sont alors remplis de larmes.
    - Qu'est-ce qui se passe ? Lui dit sa femme. Pourquoi pleures-tu ainsi ?
    - Je pleure, dit Djeha-Hodja Nasreddin, parce que c'est toi qui aurais du être morte au lieu de ta pauvre mère.

     

     

    34 -  La femme de Djeha-Hodja Nasreddin
    La femme de Djeha-Hodja Nasreddin n'était facile à vivre. Elle le harcelait constamment et Djeha-Hodja Nasreddin en avait plus qu'assez. Durant un de ses sermons, il parla des épouses acariâtres et il put vider son cœur à souhait. Quand il eut fini, il se sentit mieux et demanda aux hommes de l'assistance qui avaient des femmes acrimonieuses de se lever. Tous se levèrent, ce dont il fut surpris. Un de ses amis lui dit :
    - Djeha, tu es le seul à ne pas te lever ! Tu dois donc être très heureux avec ta femme !
    - Oh non ! Répondit Djeha-Hodja Nasreddin. J'allais me lever avant quiconque quand j'en ai été empêché. J'ai été tellement déconcerté par le nombre de personnes concernées que mes jambes se sont mises à trembler, à tel point que je ne pouvais même plus bouger.

     

     

    35 - Qui a raison ?
    Une grande controverse avait divisé le village en deux. On en appela à Djeha-Hodja Nasreddin pour résoudre le problème. Sa femme l'avertit que cela pourrait se retourner contre lui. Conscient de ses responsabilités, Djeha-Hodja Nasreddin ne pouvait se dérober. Il alla à la place du marché et fit face aux villageois réunis en deux clans opposés. Le leader et quelques voix du premier groupe lui crièrent de s'assurer qu'il avait bien compris leur point de vue. Après les avoir écoutés, il leur dit :
    - Vous avez raison.
    Les partisans du second groupe le menacèrent de leur poing pour le convaincre de la validité de leur point de vue. Il les écouta et leur dit :
    - Vous avez raison aussi.
    Sa femme le tira par la manche et lui souffla qu'ils ne pouvaient pas avoir raison tous les deux.
    - Tu as raison toi aussi, lui répondit-il.

     

    36 - Si Dieu veut (in chaa Allah
    Djeha-Hodja Nasreddin était déterminé à être plus entreprenant. Un jour, il dit à sa femme qu'il allait labourer son champ près de la rivière et qu'il serait de retour pour le dîner. Elle l'exhorta à dire "In chaa Allah" (si Dieu veut). Il lui répondit que c'était son intention, que Dieu veuille ou ne veuille pas. Horrifiée, sa femme leva les yeux au ciel et, prenant Allah à témoin, lui demanda de lui pardonner pour ce parjure. Djeha-Hodja Nasreddin prit sa charrue, y attela ses bœufs et, enfourchant son âne, s'en alla vers le champ. Cependant, suite à une soudaine et brève averse, la rivière déborda. Son âne fut emporté par le courant et, embourbé, un des bœufs eut une patte brisée. Djeha-Hodja Nasreddin dut le remplacer lui-même. Il avait fini la moitié du champ seulement quand le soir tomba. Il rentra chez lui, exténué. Il dut attendre longtemps dans l'obscurité que le niveau de la rivière baisse, pour pouvoir traverser. Il arriva vers minuit, trempé mais plus sage. Il frappa à sa porte.
    Qui est là ? Demanda sa femme.
    - Je pense que c'est moi, si Dieu veut.

     

    37 - La gestation de sept jours
    La première femme de Djeha-Hodja Nasreddin étant morte récemment, il décida de se remarier. Exactement sept jours après le mariage, sa femme donna naissance à un bébé. Hodja courut au marché, acheta du papier, des crayons, des livres et revint mettre ces objets à côté du nouveau-né. Etonnée, sa femme lui demanda :
    -  Mais Effendi, le bébé n'aura aucune utilisation de ces objets pour un certain temps encore! Pourquoi cette précipitation ?
    - Détrompez-vous ma chère,
    répondit Djeha. Un bébé qui arrive en sept jours au lieu de neuf mois, est sûr d’avoir besoin de ces choses d’ici à deux semaines au maximum.

     

    38 - Le visage revêche
    Un soir, Djeha-Hodja Nasreddin rentre chez lui, fatigué, cherchant un réconfort, mais ne trouvant, pour l’accueillir, que la mine renfrognée de sa femme.
    - Qu'est-ce qui ne va pas encore ? Se plaignit Hodja. C’est là toute ma récompense après une dure journée de labeur?
    - Oh!
    Dit sa femme, le petit garçon de notre voisin est mort. Je suis allé participer à la prière et je viens juste d’en revenir.
    - Je me souviens,
    répliqua Hodja, Tu as le même visage revêche que quand tu reviens d’un mariage.

     

    39 - L'âge de sa femme ?
    Djeha-Hodja Nasreddin est allé chez le cadi pour divorcer. Ce dernier lui a demandé le nom de sa  femme.
    - Je ne sais pas, a t-il répondu
    - Depuis combien d’années êtes-vous mariés?
    - Depuis plus de vingt ans
    - Comment se fait-il que tu ignores le nom de ta femme?
    - Je n'ai jamais pensé que le mariage durerait, donc je n'ai pas fait l'effort d'apprendre le nom de la jeune mariée
    . 

     

    40 - Tout le monde est là !
    Allant chercher des œufs au marché, Djeha-Hodja Nasreddin en ramena un.
    - Comment, lui dit sa femme, que veux-tu que je fasse d'un seul œuf ! Il m'en faut une demi-douzaine ! Pourquoi fais-tu toujours les choses au compte gouttes !
    Il retourna au marché et ramena cinq autres œufs. Mais, quelque temps après, sa femme tomba malade et était mal en point.
    - Va vite me chercher un médecin, lui dit-elle, qu'il fit illico. Il arriva avec plusieurs personnes et dit à sa femme :
    - Cette fois, tu n'auras pas de reproches à me faire car j'ai suivi ton conseil et je t'ai ramené la demie douzaine : avec le médecin, voici le pharmacien, le commerçant du bazar qui t'a apporté une bouillante pour te tenir chaud, le marchand de bois pour nous permettre de faire un bon feu dans la cheminée, l'imam qui va prier pour ta guérison et, il y a même le croque-mort, on ne sait jamais !


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  • 21 - La lettre

    Un habitant du village a reçu une lettre, mais comme il ne sait pas lire, il demande à Nasreddin Hodja de la lire à sa place. Nasreddin doit lui avouer qu'il ne sait pas lire non plus, mais l'homme ne veut pas croire que quelqu'un de si bien habillé, avec un si beau turban, ne sache pas lire. Nasreddin s'énerve, ôte son turban et le plante sur le crâne de l'homme en lui disant que si c'est l'habit qui fait tout, alors maintenant il peut lire sa lettre lui-même !


    22 - Se lever tôt

    Un jour, un ami de Nasreddin Hodja essaya de le persuader que le monde appartenait à ceux qui se levaient tôt. Et pour le convaincre, il lui raconta comment, le matin même, il avait trouvé une pièce d'or sur la route.

    - Tu vois, lui dit-il, si je n'avais pas été celui qui s'était levé le plus tôt, c'est quelqu'un d'autre qui aurait profité de l'aubaine !

    - Mais enfin, répondit Nasreddin, ne comprends-tu pas que cette pièce a été perdue par quelqu'un qui s'est levé encore plus tôt que toi ?

    La menace

    Un jour, l'âne de Nasreddin Hodja fut dérobé. On vit alors notre homme se planter au beau milieu de la place du village en déclarant que si on ne lui rendait pas la bête, il serait obligé de faire ce que son père avait fait dans la même situation !

    Les villageois commencèrent à discuter entre eux, mais personne ne se souvenait de ce qu'avait fait le père de Nasreddin quand on lui avait volé son âne. Craignant le pire, ils se mirent tous à la recherche de l'âne, et trois jours plus tard on retrouva les voleurs et on put rendre son âne à Nasreddin. Il y eut quand même un homme, plus courageux ou plus curieux que les autres, pour lui demander quelle avait été la réaction de son père.

    - Eh bien c'est pourtant simple, répondit Nasreddin. Il en avait simplement acheté un autre !

     

    23 - Le bruit et l'odeur

    Un jour, un pauvre qui n'avait qu'un morceau de pain à manger le passa au-dessus d'une viande en train de cuire pour en capter le fumet. Le marchand qui faisait cuire la viande réclama un dinar au mendiant comme prix de l'odeur, mais celui-ci refusa. Les deux hommes allèrent voir Nasreddin Hodja pour les départager.

    Nasreddin écouta attentivement les arguments, puis il sortit une pièce de un dinar de sa poche et la laissa tomber.

    - Marchand, dit-il, as-tu entendu le bruit de cette pièce tombant à terre ?

    - Oui, bien sûr.

    - Eh bien considère que ce bruit de cette pièce est le paiement de l'odeur de ta viande.

    La parole donnée

    Un jour, le voisin de Nasreddin Hodja lui demanda de lui prêter son âne. Nasreddin répondit que la bête n'était pas là parce qu'il l'avait déjà prêtée à quelqu'un d'autre, mais à cet instant précis on entendit l'âne braire dans l'écurie.

    - Tu te moques de moi, dit le voisin, ton âne est là : je l'entends !

    - Très cher voisin, tu me déçois... Tu crois donc la parole de mon âne plus que la mienne ?

     

    24 - La chute

    Un jour, le voisin de Nasreddin Hodja se précipita chez lui en demandant quel était ce terrible bruit qu'il venait d'entendre.

    - Ce n'est pas grave, dit Nasreddin, c'est juste ma femme qui a jeté ma tunique dans l'escalier.

    - Et ça a fait un bruit pareil ?

    - Oui... J'étais dedans.

     

    25 - Nourrir son manteau

    Un jour, Nasreddin Hodja fut convié à une grande réception. Mais pendant la fête personne ne fit attention à lui, c'est à peine si on lui adressa la parole. Vexé, Nasreddin rentra chez lui et revint à la fête vêtu de son plus beau manteau. Et là, comme par miracle, il devint une des attractions de la soirée.

    Quand vint le moment de se mettre à table, les convives eurent la surprise de voir Nasreddin qui trempait la manche de son manteau dans la soupe.

    - Mais pourquoi fais-tu cela ? lui demandèrent-ils ?

    - C'est pourtant simple : puisque c'est mon manteau que vous avez si bien accueilli, il est normal que ce soit lui qui mange !

     
    26 - Masmar Jha

    Ayant des besoins d’argent, Djeha-Hodja Nasreddin se décida à vendre sa maison. Mais il passa un accord avec l’acheteur, à qui il dit :
    - Je te vends tout, sauf ce clou.
    L’acheteur accepta. Le lendemain de la vente, Djeha-Hodja Nasreddin revient dans son ancienne maison et dit à l’acheteur :
    - Je dois accrocher quelque chose à mon clou, et il y accroche un sarouel sale. L’acheteur n’est pas content mais il ne dit rien. Le jour d’après, Djeha-Hodja Nasreddin vint déposer une carcasse de mouton. Face aux protestations de l'acheteur, Djeha-Hodja Nasreddin répond :
    - C’est mon clou. Je peux y mettre ce que je veux.
    Et il en fut ainsi tous les jours. La maison était devenue une vraie puanteur. Excédé, l’acheteur dit à Djeha-Hodja Nasreddin :
    - Il nous faut trouver une solution, je n’en peux plus.
    Ce à quoi Djeha-Hodja Nasreddin répond :
    - Si tu veux, je te rachète la maison à moitié prix.
    Et c’est ainsi que Djeha-Hodja Nasreddin récupéra sa maison.


    27 - La guerre

    Un jour, on déclara la guerre. Tous les hommes furent mobilisés, même Nasreddin, le fou-sage. Tandis qu'ils marchaient vers la frontière, l'un des soldats lui dit :
    - Mais tu es complètement fou ! Comment peux-tu aller à la guerre avec un arc sans flèches ?
    - C'est simple, répondit Nasreddin. Les ennemis vont tirer des flèches, moi je les ramasserais et je les tirerais sur les ennemis.
    - Mais malheureux, si les ennemis ne tirent pas de flèches ?
    - Ce sera encore plus simple, dit Nasreddin calmement : il n'y aura pas de guerre


    28 - Le déménagement.

    Nasreddin fut tiré de son sommeil, au milieu de la nuit, par un bruit étrange. Il ouvrit les yeux et vit un voleur en train de remplir son sac avec tout ce qu'il trouvait. Lorsqu'il eut fini de vider entièrement la maison, le voleur chargea l'énorme sac sur son dos et partit, ne laissa à Nasreddin que le mince matelas sur lequel il dormait.
    Nasreddin se leva, plia son matelas, le mit sur son épaule et suivit le voleur.
    Arrivé chez lui, ce dernier fut surpris de voir Nasreddin derrière son dos.
    - Pourquoi me suis-tu ?
    - J'ai cru que nous déménagions chez toi, lui répondit Nasreddin avant de récupérer le sac que le voleur avait laissé tomber d'étonnement.


    29 - C'est jour de marché.

    L'usurier est venu espérant bien que les villageois ne pourront pas lui rembourser leurs emprunts : il y aurait d'énormes agios d'ici peu et même saisie de leurs biens ....

    Mais ce jour-là, beaucoup sont venus lui rembourser ce qu'ils lui avaient emprunté la semaine dernière, donc peu d'intérêts, adieu saisie !
    L'usurier quitte le village en maugréant ; il est sur la petite route qui traverse les marais et il lance des coups de pied dans les cailloux.
    Dans son élan, il glisse et se retrouve dans les marais. Il commence à s'enfoncer. Les passants qui étaient derrière lui tendent leur main :
    - on va te sortir de là. Donne ta main !
    - Non, dit il en croisant les bras sur sa poitrine.
    - ne fais pas l'idiot, donne ta mais, regarde toi, tu t'enfonces !
    - non, et il serre plus fort sas bras sur lui.
    - Mais enfin, tu es enfoncé  jusqu'à la taille, allez donne ta main !
    - non, non et non.

    Un des villageois dit : allons chercher Nasreddin, lui saura quoi faire.
    Nasreddin s'approche, regarde l'homme qui s'enfonce tout doucement et dit :

    - mes amis, il faut employer les mots en fonction de celui à qui ils sont destinés.
    Puis, regardant l'usurier, il lui dit en avançant sa main : "prends ma main".
    L'usurier regarda Nasreddin, soupira d'aise et ... lui prit la main.

       

    30 - Sagesse et malices de Nasreddin Hodja

     
     Un jour, un ami de Nasreddin Hodja essaya de le persuader que le monde appartenait à ceux qui se levaient tôt. Et pour le convaincre, il lui raconta comment, le matin même, il avait trouvé une pièce d'or sur la route.

    - Tu vois, lui dit-il, si je n'avais pas été celui qui s'était levé le plus tôt, c'est quelqu'un d'autre qui aurait profité de l'aubaine !

    - Mais enfin, répondit Nasreddin, ne comprends-tu pas que cette pièce a été perdue par quelqu'un qui s'est levé encore plus tôt que toi ?

     

     

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  • 11 - La chèvre de la fin du monde

    Un jour, des enfants vinrent voir Nasreddin Hodja en lui disant que la fin du monde était pour le soir même, et ils lui proposèrent de tuer sa chèvre et de la manger pour en profiter avant qu'il soit trop tard. Nasreddin acquiesça, et leur proposa même d'aller se baigner pendant que lui préparerait la bête. Les enfants acceptèrent avec joie, mais quand ils ressortirent du lac, ils découvrirent que Nasreddin avait allumé le feu avec leurs vêtements !

    - Pourquoi faites-vous ces têtes ? demanda Nasreddin. Si c'est vraiment la fin du monde, vous n'avez plus besoin de vos habits, pas vrai ?



    12 - Nasreddin et la souris savante

    Un matin, Khadija, la femme de Nasreddin Hodja, vint dire à son mari :

    - le couscous qui nous reste suffit à peine pour 3 jours. Il faut que tu penses à chercher du travail.

    - Ah non ! lui répondit-il. Par contre, prépare un bon repas avec tout ce couscous et attrape 2 souris qui se ressemblent.

    Intriguée, la femme se hâta de capturer deux petites souris qui se ressemblaient comme deux gouttes d'eau et les donna à son mari. Celui ci planta un clou dans le mur et y attacha l'une des deux souris avec une ficelle; puis il mit la deuxième dans une cage et dit à sa femme :

    - n'oublie pas de préparer le couscous, je reviens à midi avec mes amis.

    Et il s'en alla avec la cage. Lorsqu’il arrive au café tout le monde se moqua de lui :
    -tu es devenu fou pour promener uns souris. Un perroquet ou un rossignol, nous aurions compris, mais une souris !
    - Bande d'ignorants, leur répondit il. Ce n'est point une souris ordinaire, mais une
    souris savante !
    - comment cela ?
    -c'est très simple et vous pourrez le vérifier vous même. Désirez vous déjeuner
    tous chez moi à midi ?
    -bien sur, si tu nous y invites.

    Nasreddin, s'adressa alors à la souris :
    - toi la souris, ouvre bien tes oreilles : va à la maison et dis à ma femme de préparer un bon couscous, je viendrai le déguster avec mes amis à midi.

    Il ouvrit la porte de la cage et la souris, toute contente, s'en fut en courant se réfugier dans le jardin voisin.

    A midi, les hommes incrédules accompagnèrent le Hodja chez lui et trouvèrent le repas qui les attendait. Dans un coin, ils virent la souris attachée. Ils pensèrent immédiatement que c'était celle qui avait quitté la cage deux heures auparavant.

    L'un des hommes, qui s'appelait Mustapha, prit la parole :
    - j'achète cette souris pour cent dinars
    - seulement cent dinars pour une souris savante ? lui répondit Nasreddin.
    Tu n'es pas sérieux, mon ami.

    Mustapha ajouta cent puis cent et encore cent.et Nasreddin finit par accepter de vendre sa souris pour cinq cent dinars.

    Le nouveau propriétaire était fier de son acquisition. Le lendemain il arriva au café avec sa souris dans la cage

    - aujourd'hui mes amis, nous mangerons chez moi.

    Puis il s'adressa à la souris :
    - toi la souris, ouvre bien tes oreilles, va à la maison dire à ma femme de préparer à manger, j'invite mes amis pour midi.

    L’homme ouvrit la cage, et la souris s'en fut rejoindre sa cousine dans le jardin voisin.

    A midi, Mustapha invita ses amis à l'accompagner. Nasreddin prétexta un mal au ventre soudain.

    - Non lui dit l'homme, hier nous avons mangé chez toi. Tu es obligé de m'honorer à mon tour.

    Nasreddin finit par céder et les hommes arrivèrent chez Mustapha, l'estomac en éveil.

    Mais la femme n'avait rien préparé. Elle n'avait pas bu la souris savante.

    Elle se moqua de son mari :
    - comment peux tu croire une histoire pareille ? C’est évident : Nasreddin t'a trompé pour te voler.

    Mustapha devint furieux. Il se tourna vers Nasreddin :

    - rends moi mon argent tout de suite sinon je fais un malheur.

    Nasreddin, fit mine de s'énerver à son tour :
    - comment ? Tu as perdu une souris que j'avais éduquée pendant deux ans et tu veux en plus que je te rende ton argent ! Dis moi d'abord, as tu pensé à lui donner ton adresse avant de lui ouvrir la cage ?
    - Non, dit Mustapha, remonté.
    - alors comment veux tu qu'elle trouve la maison si elle ne connait pas l'adresse ?

    Et Nasreddin garda l'argent pour lui.

     

    13 - Le Lion, Le Loup et Le Renard

     

    Un lion, un loup et un renard furent amis un certain temps. Pris de faim, ils s’en allèrent chasser. A la fin de la chasse, ils avaient tué un bœuf, un mouton et un lapin. Réunissant leurs proies, le lion dit en s’adressant au loup :

    -Fais-donc le partage pour que nous ayons nos parts.

    Le loup :
    -Le bœuf vous appartient. Le mouton est à moi et le lapin au renard.
    Le lion se mit en colère et, le griffant de sa patte, il l’envoya dans le précipice. Et se retournant vers le renard il dit :
    -Fais-donc toi maintenant le partage
    Le renard rusé ne tarda pas à répondre :
    -Le bœuf est votre repas du soir, le mouton celui de midi, et le lapin votre petit déjeuner.
    Le lion rit et demanda au renard où il avait pris cette idée.

    Le renard :
    De notre ami qui est tombé dans le précipice…

     


    14 - Le
    Sel Précieux

     

    Il était une fois un padischah et ses trois filles. Un jour, le padischah réunit ses filles près de lui et leur demanda combien elles l’aimaient ? L’aînée lui dit « autant que la grandeur du monde », la moyenne : « autant que mes bras », et la cadette « autant que le sel. »

    Le padischah se mit en colère suite à la réponse de sa fille cadette et lui dit : « Est-ce qu’un homme peut être aimé comme du sel ». Le padischah livra sa fille au bourreau. Celui-ci emmena la fille dans la montagne. La fille supplia le bourreau en lui disant que lui aussi était père.

    Le bourreau ne put résister aux supplications de la jeune fille. Il tua à la place une bête et tachant la blouse de la jeune fille avec le sang de la bête, il l’apporta au Padischah.

    La jeune fille se mit en route. Elle arriva dans un village. Elle devint l’esclave de l’un des hommes riches du village et devint une jolie fille en grandissant. Sa beauté se transmit de bouche en bouche et le destin fit qu’elle se maria avec le fils d’un autre Padischah.

    Elle expliqua un jour à son mari ce qui lui était arrivé et proposa d’inviter son père à manger. Son mari accepta. Les préparatifs furent faits et son père fut invité.

    Le padischah arriva avec ses dignitaires et tous se mirent à table. Les mets se succédaient. La jeune femme avait prié le cuisinier de préparer les mets sans sel. Le padischah, qui essayait de goûter tous les plats, retirait à chaque fois tout de suite sa cuillère de la bouche. Il ne put manger aucun mets.

    A ce moment, la jeune femme se leva soudainement de table et dit : « Mon Padischah, d’après ce que j’ai entendu, tu aurais fait tuer ta fille parce qu’elle ne t’aimait comme elle aimait le sel. Ne donnant même pas l’occasion au Padischah de s’expliquer, elle ajouta: « Cette petite fille, c’est moi. J’ai fait cuire tous les plats sans sel, pour que tu puisses comprendre ma valeur. »

    Ayant honte de ce qu’il avait fait, le Padischah pris sa fille dans ses bras et comprit combien le sel était précieux. Des jours nouveaux commencèrent.

    Tout est bien qui finit bien.

    15 - Ecrire et Marcher

    - Nasreddin, j'ai une lettre importante à envoyer à Istanbul.
    - Tu sais bien que je n'ai pas été à l'école : veux-tu me l'écrire ?
    - Excuse-moi, répond Nasreddin, j'ai mal aux pieds.
    - Tu te sers de tes pieds pour écrire ?
    - Non, avec les pieds, je marche, mais j'écris tellement mal qu'il faut que j'aille moi-même auprès du destinataire pour lui lire ma lettre.


    16 - Grave question !

    Les anciens du village essayèrent, un jour, de résoudre une question sérieuse : si le fleuve prenait feu, où donc les poissons pourraient-ils s'enfuir ?

    Après de longues délibérations, n'ayant pas trouvé de solution, ils allèrent consulter Nasreddin. Celui-ci, après les avoir écoutés, s'écria :

    - Pourquoi vous inquiétez-vous ? Si vraiment le fleuve prenait feu, les poissons pourraient grimper dans les arbres.


    17 - Trop de monde !

    Nasreddin Hodja s'était remarié avec une veuve. Dès le premier jour, celle-ci avait commencé à lui vanter les mérites de son premier mari et, jour et nuit, elle n'arrêtait pas de parler de lui. Alors, Nasreddin, agacé, se mit à vanter les mérites de sa première femme.

    Une nuit, alors que sa femme parlait une fois de plus de son premier mari, Nasreddin la poussa hors du lit.

    Fâchée, celle-ci lui dit :

    - Pourquoi tu m'as fait tomber du lit ?

    -Toi et ton mari, moi et ma femme, ça fait trop de monde dans un lit si petit !


    18 - Au jardin potager

    Un jour d'été, Nasreddin était étendu sous un gros noyer. Il regardait, à côté de son jardin, un champ de pastèques. Il pensa :

    - Comme c'est curieux, ces énormes pastèques poussent dans l'herbe alors que mon gros noyer produit des fruits minuscules.

    A ce moment-là, une noix se détacha de l'arbre et lui tomba sur la tête. Il leva les yeux au ciel et en se frottant le crâne, il dit :

    - Pardonne-moi, Dieu, je ne me mêlerai plus de tes affaires. Heureusement que les pastèques ne poussent pas sur cet arbre !


    19 - Sur l'âne

    Un jour, des gens du village virent Nasreddin, assis sur son âne et qui portait lui-même sur son dos un gros sac très lourd.

    - Pourquoi portes-tu le sac sur ton dos ? Pose-le donc sur l'âne, à côté de toi !

    - Eh, que voulez-vous, mon pauvre âne est déjà obligé de supporter tout mon poids, je ne veux pas lui ajouter encore le poids de ce sac.


    20 - Plaire à tout le monde

    Un jour, Nasreddin Hodja marchait tranquillement avec, à côté de lui, son fils monté sur l'âne. Deux hommes passèrent à ce moment.

    - Non mais regardez ça, dit l'un d'eux, voyez comment on éduque les enfants de nos jours : le jeune profite de l'âne alors que le vieil homme s'épuise à marcher !

    Ayant entendu cela, Nasreddin et son fils échangèrent leurs places. Quelques minutes plus tard, ils croisèrent à nouveau deux passants.

    - Quelle honte, dit l'un d'eux, ce père indigne est tranquillement sur son âne alors que son pauvre fils est obligé de marcher à grands pas pour rester à sa hauteur !

    Nasreddin et son fils décidèrent alors de s'installer tous les deux sur l'âne. Un groupe de trois femmes ne tarda pas à croiser leur route.

    - C'est terrible, dit l'une d'elles, cette bête va bientôt mourir sous le poids de ces deux fous !

    Cette fois, Nasreddin et son fils se mirent à marcher tous les deux à côté de l'âne.

    - Idiots ! s'exclama un autre passant. Pourquoi marchez-vous sous cette chaleur alors que vous avez votre âne pour vous porter ?

    Ne sachant plus que faire, le père et le fils rentrèrent chez eux.

    - Tu vois, dit Nasreddin à son fils, n'hésite pas à agir comme tu l'entends, puisque de toute façon tu ne réussiras jamais à plaire à tout le monde !



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  • Nasreddin, est un idiot éclairé, un clown magnifique, raconté à travers d'innombrables histoires courtes et incisives qui circulent oralement à travers tout le monde arabo-musulman.

     

    Toujours monté sur son âne, coiffé d’un grand turban et arborant une belle barbe blanche, Nasreddin Hoca est un personnage incontournable de la culture populaire turque.


    Né en 1208 dans un petit bourg d'Anatolie, Nasreddin Hoca   a pu bénéficier d’une éducation religieuse grâce à son père, il devint d’ailleurs Imam dans un village turc. Nasreddin Hoca prêche la bonne parole, la bonne conduite à travers la franchise et la sagesse. Des centaines de livres et BD relatent ses aventures, ses remarques, ses drôleries qui traitent pourtant de sujets parfois sérieux voir graves : Le vol, l’alcool, le travail, les femmes...


    A la fois social, malin, généreux et au cœur pur, Nasreddin Hoca   est un comique  qui, avec des mots simples, a su rendre ses réflexions imperméables au temps. Ainsi, chacun est amené à méditer sur les aléas de la vie, avec humour et justesse d’esprit.

     

    Espiègle et rusé roulant son monde avec une candeur et un humour confondants, c'est cette personnalité ambivalente, insaisissable, fondamentalement humaine qui confère à Nasreddin son universalité et sa popularité.



    1 - Le barbu

    Un homme demande au barbu :
    - Nasreddin, j'ai une lettre importante à envoyer à Istanbul. Tu sais bien que je n'ai pas été à l'école : Veux-tu me l'écrire ?
    - Excuse-moi, répond  Nasreddin, j'ai mal aux pieds.
    - Tu te sers de tes pieds pour écrire ?
    - Non, avec les pieds je marche, mais j'écris tellement mal qu'il faut que j'aille moi-même auprès du dest inataire pour lui lire ma lettre.

     


    2 - La raison du plus fort

     
    Un jour, Nasreddin Hodja eut besoin de traverser la Mer de Marmara. Il prit donc le bateau, mais juste au milieu de la traversée, une grande tempête se leva et le bateau commença à couler. Tous les passagers et les membres d'équipage se mirent à écoper pour essayer de maintenir le bateau à flots. Cependant, parmi la foule, il se trouva un homme qui, à la consternation générale, prenait l'eau dans la mer pour la jeter dans le bateau : l'inévitable Nasreddin Hodja. Le capitaine se précipita vers lui en l'injuriant, en l'accusant de vouloir tous les tuer, mais Nasreddin ne se départit pas de son calme. Il expliqua au capitaine qu'il se contentait de suivre le conseil que sa mère lui répétait tout le temps : toujours se mettre du côté du plus fort...



    3 - La fin du monde      

    Un jour, quelqu'un vint voir le très sage Nasreddin Hodja pour lui demander s'il connaissait la date de la fin du monde.

    - De quelle fin du monde parles-tu ? répondit-il à l'homme. La grande ou la petite ? Si c'est de la petite dont tu parles, c'est quand ma femme mourra. Si tu parles de la grande, elle se produira quand c'est moi qui rendrait l'âme.


    4 - Les perles bleues

    Un jour, Nasreddin Hodja acheta deux perles bleues à un marchand. Le soir, il en donna une à sa première épouse en lui conseillant de ne surtout pas parler de ce cadeau à sa deuxième femme. Et le lendemain, il donna la perle restante à cette deuxième épouse en lui recommandant de ne rien en dire à la première. Quelques jours plus tard, après une dispute qui avait éclaté entre les deux femmes, elles vinrent voir leur époux et lui demandèrent laquelle il préférait. Avec un large sourire, il répondit que sa préférée était celle qui possédait la perle bleue...


    5 - L'accouchement à la chandelle

    Une nuit, la femme de Nasreddin Hodja a accouché dans son lit, à la lueur de la chandelle. L'enfant tant attendu est sorti du ventre de sa mère, mais il a bientôt été suivi par un second, puis un troisième s'est présenté à son tour. Voyant cela, Nasreddin s'est précipité pour souffler la chandelle.

    - Pourquoi fais-tu cela ? demanda sa femme.

    - C'est pourtant évident, répondit Nasreddin, il faut croire que la lumière attire les enfants : si je n'éteins pas la chandelle, combien en aurons-nous ?


    6 - Le don de la nature

    Un jour de pluie, Nasreddin Hodja vit par sa fenêtre un homme qui courait pour rentrer chez lui avant d'être trempé.

    - Pourquoi cours-tu ainsi ? lui demanda Nasreddin. Tu n'as pas honte de fuir ainsi ce merveilleux don de la nature ?

    Tout penaud, l'homme s'arrêta de courir et rentra chez lui trempé jusqu'aux os. Mais le lendemain, alors qu'il continuait à pleuvoir, c'est ce même homme qui vit de sa fenêtre le fameux Nasreddin Hodja courir pour échapper à l'averse.

    - Nasreddin, n'as-tu pas honte de fuir ainsi ce merveilleux don de la nature ?

    - Mais pas du tout, répondit Nasreddin sans s'arrêter. Si je cours, c'est au contraire pour éviter de le piétiner.


    7 - Le pourboire

    Un jour, en sortant des bains, Nasreddin Hodja distribua un pourboire royal alors qu'il avait été traité comme un moins que rien : serviette sale, petit bout de savon, pas de massage et même pas de thé. Le lendemain, quand il revint, ceux qui avaient profité de ses largesses de la veille le traitèrent comme s'il était le sultan en personne. Mais cette fois, en sortant, il ne donna à ces employés que quelques piécettes.

    Voyant leurs mines déconfites, Nasreddin leur expliqua que le pourboire d'aujourd'hui correspondait à leur travail de la veille, et le pourboire de la veille à leur travail d'aujourd'hui...


    8 - Nourrir son manteau

    Un jour, Nasreddin Hodja fit convié à une grande réception. Mais pendant la fête personne ne fit attention à lui, c'est à peine si on lui adressa la parole. Vexé, Nasreddin rentra chez lui et revint à la fête vêtu de son plus beau manteau. Et là, comme par miracle, il devint une des attractions de la soirée.

    Quand vint le moment de se mettre à table, les convives eurent la surprise de voir Nasreddin qui trempait la manche de son manteau dans la soupe.

    - Mais pourquoi fais-tu cela ? lui demandèrent-ils ?

    - C'est pourtant simple : puisque c'est mon manteau que vous avez si bien accueilli, il est normal que ce soit lui qui mange !


    9 - Le problème de la Création

    Un jour, Nasreddin Hodja se demandait si la Création avait été vraiment bien faite... Il faut dire que devant lui, il voyait cet immense chêne qui portait de si petits fruits, alors que le petit plant de courge, à ses pieds, en supportait de si gros. Il s'assit sous le chêne pur réfléchir à cette inquiétante question, mais quand un gland lui tomba sur la tête, il comprit que la Création avait été vraiment bien faite...


    10 - La marmite

    Un jour, Nasreddin Hodja demanda à son voisin de lui prêter une marmite. Bien qu'un peu méfiant, le voisin accéda à sa demande. Et à sa grande surprise, Nasreddin lui rendit sa marmite dès le lendemain, avec en plus une autre petite marmite posée à l'intérieur de la première.

    - Mais quelle est donc cette seconde marmite ? demanda le voisin.

    - Eh bien durant la nuit, il se trouve que ta marmite a accouché ! Comme il me semble logique que son enfant t'appartienne aussi, je te l'amène.

    L'homme, se disant que pour une fois la folie de Nasreddin tournait en sa faveur, ne répondit rien et prit les deux marmites. Et lorsque, quelques jours plus tard, Nasreddin revint frapper à sa porte pour lui demander le même service, il s'empressa de lui fournir sa plus belle marmite en espérant avoir encore une bonne surprise. Mais là, au contraire, il attendit des jours et des jours sans voir revenir son fameux voisin. N'y tenant plus, il se rendit chez Nasreddin pour réclamer des explications.

    - Ah c'est terrible, dit Nasreddin d'un air contrit, il faut que je te l'avoue : ta marmite est morte.

    - Mais que me dis-tu ? Une marmite ne peut pas mourir !

    - Enfin voyons, tu étais prêt à croire qu'une marmite pouvait accoucher, aujourd'hui tu devrais bien croire qu'elle peut mourir.

    Le voisin ne trouva rien à répondre, rentra chez lui, et Nasreddin garda la belle marmite.


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  • Une veille femme vivait seule avec son fils dans une petite maison. Celui-ci était paresseux, tellement paresseux qu'il ne faisait jamais rien. C'est à peine s'il se levait pour se nourrir ou se laver. Chaque fois que sa mère lui demandait quelque chose, la réponse était toujours la même :

    - Non mère, je ne peux faire cela, j'suis bien trop fainéant.

    Un jour, apprenant que les enfants du voisin partaient le lendemain matin couper du bois dans la forêt, la veille femme leur demanda d'emmener son fils avec eux.

    Mais le lendemain matin, quand les frères vinrent le chercher juste avant le lever du soleil, il leur dit :

    - Laissez-moi dormir, j'suis bien trop fainéant pour aller couper du bois.

    Mais cette fois, notre paresseux trouva une oreille bien moins attentive que sa mère. Les frères le sortirent du lit, l'habillèrent et le mirent sur un âne. Hélas, arrivé dans la forêt, sa seule action fut de s'appuyer contre un arbre et de regarder les autres travailler. Il s'endormit même en se disant :

    - J'suis bien trop fainéant pour les regarder travailler.

    Vers midi ils le réveillent pour lui proposer à manger, mais :

    - J'suis trop fainéant, mangez sans moi et laissez-moi dormir...

    Ils ont donc mangé sans lui et se sont remis au travail. A la tombée de la nuit, les frères avaient coupé assez de bois pour remplir les deux charrettes. Ils lui demandèrent bien de les aider à remplir sa propre charrette, mais comme toujours :

    - Non, non, je ne peux pas remplir ma charrette, j'suis bien trop fainéant pour ça.

    Et bien sûr ce sont les frères qui firent le travail. Quand les deux charrettes ont été prêtes, les frères ont réveillé une nouvelle fois notre paresseux en le frappant :

    - Allez debout, larve indigne du nom d'homme ! La nuit est déjà sur nous, il faut partir avant que les loups sortent...

    - Oula, laissez-moi là, j'suis vraiment trop fainéant pour rentrer ce soir à la maison. Les loups peuvent venir me manger, je m'en moque bien.

    Les trois frères l'ont alors laissé là, l'insultant tandis qu'ils prenaient le chemin du retour. Lui, bien évidemment, s'est rendormi. Mais quelques minutes plus tard, un sifflement l'a réveillé. Un serpent blanc s'approchait de lui pour le piquer.

    - Salut le serpent, tu peux bien me piquer si ça te fait plaisir, je ne m'enfuirai pas, je suis bien trop fainéant pour cela.

    Le serpent, au lieu de le piquer, fut pris d'un fou rire. Quand il eut retrouvé son calme, il lui dit :

    Salut fils d'homme, tu m'as bien fait rire et pour t'en remercier je ne te piquerai pas. Je vais même faire plus pour toi. A partir de maintenant, chaque fois que tu désireras quelque chose, il te suffira de dire "serpent blanc, serpent blanc, je veux ceci ou cela, je t'en prie donne le moi."

    Et aussitôt après, le serpent disparut dans la forêt.

    Le jeune homme se dit qu'il n'avait besoin de rien, et que de toute façon il était bien trop fatigué pour demander quoi que ce soit. Mais la nuit en cette fin d'automne était bien fraîche et notre paresseux sans couverture, alors :

    - Serpent blanc, serpent blanc, je veux une couverture pour ne pas avoir froid cette nuit, je t'en prie donne la moi.

    Et bien entendu, notre paresseux se retrouva avec une couverture chaude et se rendormit. Vers midi, en se réveillant, il avait faim et bien sûr aucun courage pour se trouver de la nourriture. Qu'importe :

    - Serpent blanc, serpent blanc, je veux une soupe chaude et du pain pour combler ma faim, je t'en prie donne les moi.

    Le voilà avec un grand bol de soupe de lentilles bien chaudes et de délicieux morceaux de pain. Un jour passa, puis un autre et un autre encore, et notre homme ne faisait rien. Il mangeait juste quand il avait faim, grâce au serpent, et le reste du temps il dormait. Mais au bout de quelques jours il commença à s'ennuyer. Il s'ennuyait tellement qu'il demanda des choses extravagantes au serpent, et surtout celle-ci :

    - Serpent blanc, serpent blanc, je veux que la fille du sultan porte mon enfant, je t'en prie qu'elle le porte.

    Et bien sûr...

    Puis, s'ennuyant de plus en plus, il décida de rentrer chez lui. Mais pas par ses propres moyens, vous vous en doutez bien. En le voyant, sa mère entra dans une colère noire :

    - Maudit fils qui ne fait rien d'autre de sa vie que de dormir, pourquoi donc n'as-tu pas été dévoré par les loups ? Cette maison n'est plus et ne sera plus jamais la tienne !

    - Calme toi mère, calme toi et écoute moi.

    Le paresseux lui raconta toute son histoire. Et pour prouver à sa mère qu'il ne mentait pas, il dit :

    - Serpent blanc, serpent blanc, je veux un grand repas pour moi et ma mère, je t'en pris donne le-moi.

    En voyant apparaître ce repas sur la table, la mère pardonna tout à son fils. Dans les jours qui suivirent, chaque matin, chaque midi et chaque soir, un festin attendait notre paresseux et sa mère. Il vécut ainsi de long mois heureux sans rien faire.

    Par contre, bien loin de là, dans le plus somptueux palais du royaume, la fille du sultan voyait son ventre s'arrondir de jour en jour sans comprendre ni pourquoi ni comment cela avait pu se produire. Elle était dans cet état depuis six mois quand son père le découvrit. Il rentra dans une colère terrible, une de ces colères qui font trembler les murs des palais et tomber des têtes. Il menaça encore et encore sa fille afin de savoir qui était le père, mais que voulez-vous qu'elle lui répondit d'autre que :

    - Je ne sais pas, père.

    De fureur, il décida de lui couper la tête, mais son grand vizir réussit à le calmer et lui dit :

    - Maître, si vous tuez votre fille, jamais nous ne saurons qui est le père. Enfermez la plutôt dans la plus haute des tours de votre palais, avec juste assez de nourriture pour qu'elle donne naissance à un enfant vivant, et peut-être que nous pourrons reconnaître dans ses traits celui de son père.

    Ainsi fut fait, et trois mois plus tard elle donna naissance à un beau garçon. Mais personne dans le palais ne ressemblait de près ou de loin au nouveau-né. Le sultan demanda une fois encore à sa fille qui était le père, mais bien sûr une fois encore la seule réponse fut :

    - Je ne sais pas, père.

    Alors le sultan rentra de nouveau dans une grande colère, mais une fois encore son vizir réussit à le calmer :

    - Maître, ne tuez pas votre fille, ni son bâtard de fils. Attendons que l'enfant ait sept ans, vous l'installerez sur la grande place et vous ferez défiler devant lui tous les hommes du pays. Quand l'enfant sautera au cou de l'un d'eux en l'appelant papa, nous aurons trouvé le coupable. En attendant, enfermez votre fille et son bâtard dans la plus haute tour de votre palais, avec juste ce qu'il faut de nourriture pour qu'ils survivent.

    Ainsi fut fait, et sept ans passèrent. L'enfant fut installé sur la grande place devant le palais. Ordre fut donné à tous les hommes du royaume de venir défiler devant lui sous peine de mort. Pendant des semaines et des semaines, tous les hommes du royaume défilèrent, mais l'enfant ne réagit devant aucun d'eux. Et pour cause : le paresseux fut le seul homme du royaume à ne pas se déplacer, bien trop paresseux pour craindre la colère d'un sultan. Mais le vizir apprit qu'un homme vivant dans cette maison ne s'était pas déplacé. Il envoya des soldats le chercher et le fit défiler devant l'enfant. Dés qu'il le vit, l'enfant lui sauta au cou et l'appela papa. Vous imaginez bien la fureur du sultan en voyant le père de son petit-fils ! Mais, une fois encore le vizir le calma :

    - Mon maître, ta fille ne mérite même pas ton courroux, marie la avec ce paresseux et renvoie la. Qu'elle aille vivre avec lui dans sa cabane miteuse avec le bâtard ! Sa punition sera bien plus grande ainsi.

    C'est ainsi que la princesse et son fils s'installèrent dans la maison du paresseux. Mais on ne reçoit pas une princesse comme une vulgaire mendiante. Alors il demanda au serpent blanc un lit et un repas digne de la princesse. En voyant le lit et le repas somptueux apparaître, elle comprit comment elle était tombée enceinte et comprit comment utiliser le don de son mari pour prouver son innocence à son père. Elle se mit alors harceler son mari pour qu'il lui construise le plus sublime des palais sur le bord de la mer, à un endroit devant lequel son père aimait passer en bateau. Mais lui :

    - Non femme, je suis bien trop fainéant pour te construire un palais.

    Mais elle insista tant et si bien qu'un jour le fainéant dit :

    - D'accord femme, tu auras ton château, je suis bien trop fainéant pour te dire une fois de plus non. Serpent blanc, serpent blanc, je veux un château digne du roi des rois sur cette côte, et je veux que tu nous y emmènes, moi, ma mère, ma femme et mon fils, je t'en prie, fais le.

    Et ainsi fut fait.

    La vie s'écoula avec douceur dans le palais où rien ne manquait. Un jour, enfin, le sultan vit le château depuis son bateau. Un palais inconnu aussi magnifique sur ses terres l'intrigua et il décida d'aller le voir de plus près. La fille, voyant le bateau de son père, se déguisa en homme et alla à sa rencontre.

    - Salut à toi jeune homme, ce château est-il le tien ?

    - Oui, mon maître, j'y vis avec les miens. Et ce soir, ce serait un grand honneur pour moi de vous y recevoir, vous et votre cour.

    Le sultan accepta, et le soir même il revint avec toute sa cour au château où un festin les attendait. C'est la jeune femme, toujours déguisée en homme, qui les reçut. Les assiettes étaient dans la plus fine des porcelaines, les couverts et les plats étaient tous en or et les mets étaient les plus fins et les plus délicieux.

    Au moment du dessert, elle ordonna à son mari de cacher un couvercle en or dans l'habit de son père sans que celui-ci ne s'en aperçoive. A la fin du repas, elle alla voir son père et lui dit :

    - Maître, je m'excuse de vous ennuyer avec cela, mais un couvercle en or de notre cuisine a disparu.

    Afin de prouver son innocence et celle de sa cour, le sultan fit déshabiller tous ses soldats, mais bien sûr aucun n'avait le couvercle. Puis il fit déshabiller ses ministres et son vizir, mais toujours rien. Finalement, il se déshabilla lui-même et le couvercle tomba. Imaginez la tête de ce grand roi !

    - Je vous jure, jeune homme, que je n'ai pas mis ce couvercle dans mon habit, je ne sais pas comment il y est arrivé.

    A cet instant, la jeune femme ôta son déguisement et il la reconnu.

    - Oui père, je sais. Tout comme moi je ne savais pas comment j'avais pu porter mon fils.

    Et la jeune femme de raconter à son père les dons de son mari. Comprenant enfin sa méprise, il lui demanda pardon et accepta son petit-fils comme sien. Une grande fête fut donnée au palais du sultan, et la jeune femme et le paresseux eurent droit à un second mariage, le plus beau que l'on n'ait jamais vu en ce royaume.

    Ils vécurent alors une vie des plus heureuses dans leur palais. Certains prétendent que le paresseux s'est même mis à travailler. Pour ma part, cela me semble bien peu probable, même dans un conte...

    Adapté par Dul d'après une lecture de Oguz Adamir.






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  • Un homme vivait dans la forêt et gagnait sa vie comme bûcheron. Un jour qu'il était au travail, il vit un ourson qui se tordait de douleur par terre. L'homme s'approcha lentement, de peur que la mère ourse ne rôde dans le coin et l'attaque, mais il vit que l'ourson était seul et souffrait d'une grosse écharde de bois enfoncée dans son pied. Il réussit à l'amadouer suffisamment pour lui saisir le pied et retirer l'écharde. L'ourson était tellement content qu'il demanda au bûcheron de le suivre. Il lui montra un grand arbre dans lequel s'ouvrait un grand trou rempli de miel. Il lui fit signe de se servir à son gré et retourna dans la forêt vivre sa vie d'ourson.

    L'homme était bien heureux de cette aubaine : il pourrait nourrir sa famille et gagner une belle somme en vendant le reste au marché. Il commença à récolter le miel, encore et encore, mais à force de se pencher pour aller le chercher de plus en plus loin, il finit par tomber dans le trou. Il passa à travers la couche de miel et se mit à tomber, tomber, tomber, jusqu'à atterrir dans une grotte. Dans la faible lumière, il crut tout d'abord que le sol bougeait sous ses pieds, puis il se rendit compte avec horreur qu'il était dans un nid de serpents et que les reptiles, par centaines, par milliers, grouillaient autour de lui. Il recula jusqu'au mur de la grotte, incapable de fuir. Sa terreur atteignit son paroxysme lorsqu'il vit s'avancer une femme dont le bas du corps était une grande queue de serpent. Il reconnut Şahmeran, la femme serpent dont parlaient de nombreux contes de la région. Il se mit à genoux et la supplia de le laisser partir, racontant sa vie difficile et la famille qu'il avait à nourrir. Attendrie, Şahmeran accepta de lui montrer le chemin de la sortie s'il promettait de ne jamais révéler sa cachette. L'homme promit, et Şahmeran lui expliqua comment remonter jusqu'à l'arbre.

    De nombreux jours passèrent, les uns après les autres, et la fille du sultan tomba gravement malade. A cours de remèdes, les médecins déclarèrent au souverain que seule une potion faite avec le sang de Şahmeran la sauverait de son mal. Le sultan était au désespoir car il savait que personne n'avait jamais réussi à trouver la créature. Mais il lui restait néanmoins une chance : on disait que celui qui connaissait la cachette de Şahmeran portait une marque sur l'omoplate en forme de serpent. Le sultan offrit alors à tout son peuple une journée gratuite aux bains. Il posta des soldats dans chaque hammam, des soldats qui, discrètement, inspectaient le dos de ceux qui venaient profiter de l'aubaine. Le bûcheron, qui même au fond de sa forêt avait entendu parler de ce cadeau, fut donc arrêté et amené devant le sultan.

    L'homme refusa tout d'abord de divulguer le secret, mais les tortures prodiguées par les bourreaux du palais eurent raison de sa volonté et de sa promesse. Les soldats allèrent chercher Şahmeran au fond de son trou et la ramenèrent au palais dans une cage ; le bûcheron fondit en larmes devant elle en expliquant qu'on l'avait forcé à la trahir. Lorsqu'elle comprit qu'on allait la tuer, Şahmeran demanda au sultan d'être coupée en trois : un morceau pour guérir la malade, un morceau dont on ferait boire le sang au bûcheron, et un dernier morceau que l'on rejetterait dans le trou de l'arbre pour qu'elle puisse peut-être y renaître un jour. Le sultan accéda à ces ultimes volontés. Dès que le bûcheron avala le sang de Şahmeran, il se changea en serpent et s'enfuit du palais. Et l'on raconte depuis lors que celui qui tombe dans la caverne de Şahmeran, si les autres reptiles lui en laissent le temps, peut voir l'un d'eux pleurer sur son sort près d'une grande queue de serpent...

    Adapté par Claudio d'après un récit de Elif Ipeck

     


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