• Li Ming habitait une petite province de Chine. Nous l'avons rencontrée lors d'un voyage organisé à Pékin. Elle était debout, vêtue du costume de Mao, ses cheveux tressés et ses yeux remplis de curiosité. Devant ce temple majestueux qui attirait tous les touristes, elle ne cessait de dévisager tous ces étrangers. Puis, l'on ne sait pourquoi, elle s'est approchée. Elle a prononcé quelques mots dans sa langue. Nous ne la comprenions pas. Le groupe s'est éloigné, désintéressé. Son regard était si implorant! Je suis restée. Je l'ai suivie. Elle marchait à grands pas, heureuse. Nous sommes arrivées dans une petite ruelle, grisâtre et fumante. Des marchands ambulants tentaient de vendre leurs plats odorants. Elle s'est arrêtée près d'une porte, l'endroit étati sombre. Nous sommes entrées. Le ciel s'est éclairci, la luminosité était étourdissante. Et devant nous se dressait l'ancienne Chine. Un véritable Empire comme je l'avais imaginé avant d'entreprendre mon voyage. Un palais majestueux, coloré, éblouissant. Et puis une place immense pour le moment inanimée.

    Li Ming m'a demandée de traverser cette place et de m'asseoir sur les marches du palais; elle m'a fait comprendre qu'il fallait que j'attende et que je regarde. J'ai attendu et j'ai vu...

    Mille personnages se sont activés et préparaient vraisemblablement une fête. Ils étaient tous vêtus de soie colorée et mon regard s'est posé. Il y avait là un palanquin dans lequel se trouvait une jeune femme visiblement heureuse. Elle ressemblait étrangement à la petite chinoise qui n'était d'ailleurs plus à mes côtés. Les mêmes yeux si expressifs et enjoués. Elle attendait.

    Tambour battant un cortège est arrivé mené par deux hommes, suivi lui aussi, d'un palanquin contenant un jeune homme. Les palanquins sont maintenant côte à côte, aucun regard ne se croise. Les deux jeunes gens sont invités à se rendre au palais. J'assiste bien à un mariage. Spectatrice, je suis invisible à leurs yeux, Li Ming n'est toujours pas revenue. Les jeunes mariés montent les marches sur lesquelles je suis assise; le cortège les suit.

    Et puis tout s'éteint. Le temps s'arrête quelques minutes. La place est à nouveau déserte et la petite chinoise a repris place à mes côtés. J'ai du mal à comprendre. Elle prend ma main, nous montons les marches du palais et découvrons son intérieur. Elle me montre deux portraits, un homme et une femme; le dernier Empereur de Chine et l'Impératrice. Ces portraits ont une centaine d'années et pourtant il s'agit bien là des jeunes mariés que j'ai vus il y a queques instants.

    Puis Li Ming sort de sa poche une montre gousset et m'explique avec des gestes et quelques mots, que nous avons remonté le temps. C'est un pouvoir qu'elle possède dès qu'elle passe la porte de cette ruelle. Li Ming ne connait que son prénom. Sa famille ne vit pas à Pékin. Elle y vient lorsque ses parents agriculteurs décident d'aller y vendre des produits de leur culture. Elle aime découvrir et c'est en se promenant dans ce vieux quartier que tous ces évènements se sont produits. Elle voulait aujourd'hui que quelqu'un découvre un tout petit bout d'histoire de l'ancienne Chine avec elle. C'est pour celà qu'elle dévisageait tous ces touristes si intensément. Elle faisait un choix. Elle m'a choisie.....

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  • Il y a fort longtemps vivaient en Chine deux frères.

    Wang-l'aîné était le plus fort et brimait sans cesse son cadet. A la mort de leur père, les choses ne s'arrangèrent pas et la vie devint intenable pour Wang-cadet. Wang-l'aîné accapara tout l'héritage du père : la belle maison, le buffle, et tout le bien. Wang-cadet n'eut rien du tout et la misère s'installa bientôt dans sa maison.

    Un jour, il ne lui resta même plus un seul grain de riz. Il ne pourrait pas manger, alors, il se résolut à aller chez son frère dut aller chez son frère aîné.

    Arrivé sur place, il le salua et dit en ces termes :


    -Frère aîné, prête-moi un peu de riz.



    Mais son frère, qui était très avare, refusa tout net de l'aider et le cadet

    reparti.

    Ne sachant que faire, Wang-cadet s'en alla pêcher au bord de la mer Jaune. La chance n'était pas avec lui car il ne parvint même pas à attraper un seul poisson.


    Il rentrait chez lui les mains vides, la tête basse, le cœur lourd quand soudain, il aperçut une meule au milieu de la route.


    " Ça pourra toujours servir!", pensa-t-il en ramassant la meule, et il la rapporta à la maison.


    Dès qu'elle l'aperçut, sa femme lui demanda :


    -As-tu fait bonne pêche ? Rapportes-tu beaucoup de poisson ?


    -Non, femme ! Il n'y a pas de poisson. Je t'ai apporté une meule.


    -Ah, Wang-cadet, tu sais bien que nous n'avons rien à moudre: il ne reste pas un seul grain à la maison.


    Wang-cadet posa la meule par terre et, de dépit, lui donna un coup de pied. La meule se mit à tourner, à tourner et à moudre. Et il en sortait du sel, des quantités de sel. Elle tournait de plus en plus vite et il en sortait de plus en plus de sel. Wang-cadet et sa femme étaient tout contents de cette aubaine mais la meule tournait, tournait et le tas de sel grandissait, grandissait.

    Wang-cadet commençait à avoir peur et se demandait comment il pourrait bien arrêter la meule. Il pensait, réfléchissait, calculait, il ne trouvait aucun moyen.


    Soudain, il eut enfin l'idée de la retourner, et elle s'arrêta.


    A partir de ce jour, chaque fois qu'il manquait quelque chose dans la maison, Wang-cadet poussait la meule du pied et obtenait du sel qu'il échangeait avec ses voisins contre ce qui lui était nécessaire. Ils vécurent ainsi à l'abri du besoin, lui et sa femme.


    Mais le frère aîné apprit bien vite comment son cadet avait trouvé le bonheur et il fut assailli par l'envie. Il vint voir son frère et dit :


    -Frère-cadet, prête-moi donc ta meule.


    Le frère cadet aurait préféré garder sa trouvaille pour lui, mais il avait un profond respect pour son frère aîné et il n'osa pas refuser.

    Wang-l'aîné était tellement pressé d'emporter la meule que Wang-cadet n'eut pas le temps de lui expliquer comment il fallait faire pour l'arrêter. Lorsqu'il voulut lui parler, ce dernier était déjà loin, emportant l'objet de sa convoitise


    Il était très heureux, le frère aîné. Il rapporta la meule chez lui et la poussa du pied. La meule se mit à tourner et à moudre du sel. Elle moulut sans relâche, de plus en plus vite. Le tas de sel grandissait, grandissait sans cesse. Il atteignit bien vite le toit de la maison. Les murs craquèrent. La maison allait s'écrouler.


    Wang-l'aîné prit peur. Il ne savait pas comment arrêter la meule. Il eut l'idée de la faire rouler hors de la maison, qui était sur une colline. La meule dévala la pente, roula jusque dans la mer et disparut dans les flots.

    Depuis ce temps-là, elle continue à tourner au fond de la mer et à moudre du sel. Personne n'est allé la retourner.


    Et voilà pourquoi l'eau de la mer est salée.




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  • Il y a fort longtemps vivait à Jizhou, dans la Chine septentrionale, un vieillard appelé Yu Gong des montagnes du Nord. Yu Gong signifie "vieux sot".

    Notre vieillard était-il maladroit ? Non pas. Yu Gong savait cultiver la terre, chasser le gibier, construire une maison tailler les pierres, bref, il pouvait faire n'importe quoi.

    Etait-il stupide ? Pas plus. C'était un homme réfléchi, malgré sa nature simple et franche. Quoi qu'il entreprît, il ne spéculait jamais sur les circonstances, ne craignait aucune difficulté et finissait sa tâche jusqu'au bout. Ceux qui se croyaient intelligents et qui n'étaient qu'opportunistes le trouvaient sot. Aussi l'avait-on surnommé le vieux sot.

    Yu Gong était alors âgé de 90 ans environ. Il avait des enfants et des petits enfants. Mais, contrairement aux vieillards de son âge, il continuait à travailler avec eux aux champs tous les jours du matin au soir. Un jour, quelqu'un lui conseilla :

    - Grand père, vous êtes âgé et vous avez beaucoup d'enfants, laissez-les donc travailler! N'est-il pas temps pour vous de jouir du bonheur de votre vieillesse ?

    - Pourquoi ? Je suis en bonne santé, et tant que je vivrai, il y aura toujours du travail pour moi, répondit Yu Gong en souriant. Je ne peux manger sans rien faire ! De toutes façons, rester à la maison toute la journée ce n'est pas drôle !

    Et le vieillard continua à travailler.

     

    Les membres de sa famille, de plus en plus nombreux, défrichaient la terre et cultivaient les champs chaque année. La culture en montagne n'est pas une mince affaire; il faut se frayer un chemin à travers les ronces, tailler le roc, transporter et creuser des canaux d'irrigation.

    Le vieillard dirigeait le travail de sa famille du matin jusqu'au soir, quel que soit le temps. Il enseignait à ses enfants :

    "Quoi que nous fassions, il faut le faire bien et bien le finir; les paresseux n'obtiennent jamais aucun succès."

    Dans les terres qu'il avait défrichées, il ne restait pas une pierre; quelles que fussent la grosseur et la dureté de la roche, elles avaient été taillées au burin ou déplacées. La terre de ses champs était fertile, mais cela avait été au prix d'innombrables aller et retour de plusieurs dizaines de kilomètres pour transporter de la bonne terre des plaines. Bref, on pouvait dire que Yu Gong avait un caractère obstiné. Cependant, aux yeux des gens, il passait pour un sot.

    La maison de Yu Gong donnait au sud sur deux grandes montagnes, le Taihang et le Wangwu. Ces deux montagnes s'étendaient sur 700 "li" et s'élevaient sur des milliers de mètres. Elles rendaient très difficile l'accès à la maison de Yu Gong.

    Un jour, Yu Gong réunit toute sa famille et dit :

    - Ces deux montagnes sont vraiment gênantes, elles nous barrent la route et nous obligent à faire un grand détour pour aller et venir. je propose que nous les enlevions. Je suis vieux, mais encore en bonne santé. Pour vous et pour vos descendants, je veux construire une route du sud du Henan jusqu'au bord de la rivière Han. Etes-vous d'accord ?

    Tous ses enfants adhérèrent à son projet. Mais sa vieille compagne Xian Yi s'inquiéta :
    - Mon vieux, c'est très bien de vouloir enlever ces deux montagnes, je suis tout à fait d'accord, mais tu n'es plus tout jeune, et tu ne peux pas soulever des montagnes comme le géant Kui Fu. De plus, où mettrons-nous la terre et les pierres ?

    Yu Gong n'avait pas encore répondu que ses enfants répliquèrent tous en même temps :
    - Grand-père est âgé, mais nous, nous sommes jeunes ! Quant aux remblais, il suffit de les transporter au bord de la mer, ce n'est pas difficile !

    Le projet accepté, les travaux commencèrent tout de suite. Conduits par Yu Gong, les uns creusaient la terre, les autres taillaient le roc, d'autres encore transportaient les remblais avec des charettes ou à la palanche jusqu'à la mer Bohai.

    Emportés par la volonté inébranlable de Yu Gong, ses voisins vinrent l'aider les uns après les autres. Même des foyers manquant de main d'oeuvre, comme celui de la veuve de Jingcheng avec son enfant, qui savait à peine marcher, vinrent creuser la terre ou porter le repas au chantier. Tout le monde travaillait avec ardeur.

    Les travaux étaient très pénibles, il y avait une grande distance des deux montagnes à la mer Bohai. Il fallait plusieurs mois pour faire un aller et retour. Malgré tout, Yu Gong et ses enfants ne s'arrêtèrent jamais de piocher, jour après jour.

    Un jour, un vieillard nommé Zhi Sou, ce qui signifie "vieux sage", les voyant à l'oeuvre, se moqua de lui :

    - Quelle sottise faites-vous là ! A votre âge, vous n'avez plus beaucoup de temps à vivre ! Vous n'arriverez jamais à seulement aplanir un sommet; alors ces deux grandes montagnes, vous pensez ! Vous feriez mieux d'abandonner !

    - On vous dit vieux et sage, rétorqua Yu Gong, mais vous êtes encore moins sensé qu'une veuve ou un enfant ! Sachez que lorsque je mourrai, il y aura mes fils; quand ils mourront à leur tour, il y aura mes petits-fils, ainsi les générations se succéderont sans fin. Si hautes que soient ces montagnes, elles ne pourront plus grandir; à chaque coup de pioche, de génération en génération, elles diminueront d'autant; pourquoi donc ne parviendrions-nous pas à les aplanir ?

    Cette réponse cloua le bec à Zhi Sou qui partit sans rien dire. Yu Gong et ses enfants, inébranlables, continuèrent de piocher, jour après jour, année après année.

    Cependant, le génie qui régnait sur ces deux montagnes commença à s'inquiéter. Si Yu Gong continue à piocher ainsi, pensa-t-il, mon royaume finira par disparaître complètement. Il en informa l'Empereur Céleste qui, ému de la volonté inébranlable du vieillard, envoya sur terre deux génies célestes qui emportèrent les deux montagnes sur leur dos.

    L'une fut déposée à Shuodong, l'autre à Yongnan. Depuis, de Jizhou à la rivière Han, aucune montagne ne barre plus la route.




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  • Sur la demande de l'Empereur Céleste, Yi abattit les neuf soleils, châtia le démon des eaux Hebo et tua nombre de monstres et d'animaux féroces. Le peuple l'aimait et le vénérait. Yi voyageait beaucoup, se liait d'amitié avec la population et menait une vie paisible.

    Un jour, alors qu'il chassait dans les bois, Yi traversa un ruisseau et aperçut sur l'autre rive une jeune fille puiser de l'eau avec un tube de bambou.

    Un jour, alors qu'il chassait dans les bois, Yi traversa un ruisseau et aperçut sur l'autre rive une jeune fille puiser de l'eau avec un tube de bambou. Sa longue course l'avait assoiffé. Il s'approcha de la jeune fille et lui demanda à boire. Devinant qu'il était le héros Yi, elle l'accueillit aimablement, lui offrit à boire et lui cueillit une belle fleur en témoignage de son respect. Yi choisit alors dans ses trophées une magnifique peau de renard et lui en fit cadeau.

    En bavardant avec elle, il apprit qu'elle s'appelait Chang E. Ses parents avaient été tués par des animaux sauvages. Depuis, elle vivait seule.

    Yi se prit de pitié pour elle et Chang E le respectait beaucoup. les deux jeunes gens tombèrent amoureux l'un de l'autre. Peu de temps après, Yi et Chang E se marièrent et devinrent inséparables.

    Très attachés l'un à l'autre, ils menaient une vie heureuse, et Yi oublia complètement de retourner au ciel.

    Trois années plus tard, l'Empereur Céleste ordonna à Yi de retourner au ciel.

    Lorsque l'Empereur Céleste apprit que Yi s'était marié sur Terre et ne voulait pas revenir au ciel, il se mit dans une grande colère. Dès lors, il fut interdit à Yi de remonter au ciel, mais il se consola en trouvant qu'il était plus heureux sur terre. Ainsi continua-t-il à vivre sur la Terre.

    Mais Yi savait que la vie des êtres humains a ses limites. Un jour, il dit à sa femme :

    - Quand j'étais au ciel, j'ai entendu dire que dans les monts Kunlun, à l'Ouest, habite la Reine-mère d'Occident. Elle possède une pilule d'immortalité. Je vais aller la chercher.

    Ils étaient très tristes de cette première séparation mais, pour vivre éternellement tous les deux, ils étaient prêts à affronter le danger et la mort. Yi prit son arc et ses flèches, enfourcha un bon cheval et se dirigea vers l'Ouest.

    Après avoir surmonté d'innombrables difficultés, Yi arriva enfin au pied des monts Kunlun. Yi arriva enfin au pied des monts Kunlun.

    La Reine savait que Yi était un héros céleste qui avait délivré le peuple de nombreux fléaux. Aussi l'accueillit-elle avec beaucoup de respect.

    Ayant appris le but de sa visite, la Reine ordonna à l'Oiseau à trois pattes, gardien des pêches d'immortalité, d'apporter une calebasse contenant une pilule d'immortalité fabriquée à partir d'un des fruits de l'arbre d'immortalité. Cet arbre ne donnait des fruits qu'une fois tous les trois mille ans ; c'est pourquoi ces pilules étaient très rares et extrêmement précieuses.

    - Emporte cette pilule, dit la Reine, c'est la seule qui me reste. Néanmoins, c'est largement suffisant pour ton épouse et toi : Prenez-en chacun la moitié, et vous deviendrez immortels. Mais attention, si l'un de vous deux l'avale entière, il s'envolera au ciel et ne pourra jamais plus redescendre sur Terre.

    - Je ne suis venu chercher la pilule d'immortalité que pour vivre éternellement avec Chang E, répondit l'Archer céleste. Puis il prit la calebasse, remercia la Reine et partit.

    Lorsque Yi retrouva Chang E, il lui raconta tout ce qui s'était passé et lui confia la pilule d'immortalité.

    Je suis passé par mille épreuves pour aller la chercher. Si nous la partageons, nous deviendrons immortels tous les deux. Mais si l'un de nous l'avale entière, il ira au ciel sans espoir de retour. Garde-la précieusement, nous la partagerons un jour faste prochain et nous vivrons ensemble éternellement heureux.

    Chang E mit la calebasse dans sa poche avec précaution

    Yi habitait sur la Terre depuis longtemps déjà et un grand nombre de jeunes gens venaient le voir pour apprendre le tir à l'arc. Yi leur enseignait consciencieusement son art. Lorsque le maître est compétent, ses disciples sont brillants, dit le proverbe. De fait, la plupart de ses élèves devinrent de célèbres archers.

    L'un d'entre eux s'appelait Feng Meng. C'était un bon archer, mais un homme ambitieux et jaloux. Il caressait l'espoir que son maître mourût avant lui, afin de devenir le meilleur archer du monde.

    Un jour que Yi était allé chasser, Feng Meng en profita pour pénétrer chez lui et menaça Chang E de son arc.

    - Donne-moi vite la pilule d'immortalité, lui ordonna-t-il, sinon je te tuerai.

    Surprise, Chang E lui demanda :

    - Feng Meng, tu es le disciple de Yi ; pourquoi... ?

    Je ne considère plus Yi comme mon maître. Devrais-je toujours rester un archer de second ordre toute ma vie ? Non, car il mourra avant moi ! rétorqua Feng Meng en riant sarcastiquement.

    Chang E était rouge d'émotion et de colère.

    - Allons, dépêche-toi de me donner cette pilule ! Cria Feng Meng en brandissant son arc d'un air menaçant.

    Chang E pensa à toutes les épreuves que son mari avait dû traverser pour aller chercher la pilule d'immortalité. Elle ne devait pas laisser Feng Meng s'en emparer. Alors Chang E sortit de sa poche la pilule et, au moment où Feng Meng tendait la main, la porta rapidement à la bouche. Elle l'avala et s'élança vers la porte.

    Chang E avait déjà franchi le seuil lorsqu'elle se sentit toute légère et s'envola vers le ciel. En pensant à son mari resté sur terre, elle décida de se réfugier sur l'astre le plus proche, la Lune. Dès lors, le Palais lunaire, dans lequel vivait désormais Chang E, brilla d'un éclat nouveau.

    Lorsqu'à son retour de la chasse, Yi apprit ce qui s'était passé, une immense tristesse l'envahit. Il regarda la Lune et pensa à sa femme Chang E ; des larmes inondaient ses joues.

    Devant l'ingratitude que Feng Meng lui avait témoigné, Yi fut rempli de colère. Il prit son arc et ses flèches et sortit à la recherche de son disciple.

    Feng Meng s'était caché dans un bois derrière la maison de Yi. Lorsque celui-ci passa à la hâte devant lui sans le voir, il lui assena un violent coup de bâton sur la tête. Yi s'affaissa, mortellement blessé.

    Lorsque les disciples de Yi découvrirent le crime de Feng Meng, ils arrêtèrent ce dernier immédiatement, l'attachèrent à un grand arbre et le transpercèrent chacun d'une flèche. Son ambition démesurée l'avait mené à sa perte.




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  • L'ombrelle de soie du Lac de l'Ouest s'ouvre comme un paon qui fait la roue. Elle devient une canne ronde qui se divise en trente-deux tiges mobiles lorsqu'elle se referme. Elle s'ouvre et se ferme très facilement. Le genre de bambou qui en forme l'armature est originaire du Jilongshan.

    Le Jilongshan se trouve sur le cours inférieur du Fuchunjiang. Au milieu du fleuve, en face du Jilongshan, il y a une barre alluviale qui s'appelle Dongzhousha. Dans des temps très anciens, le Jilongshan n'existait pas et Dongzhousha était isolé au milieu du fleuve. Toutes sortes de fleurs éclatantes y poussaient en toutes saisons, sous la brise, les saules se balançaient sur l'onde calme, le tout formait un paysage vraiment magnifique.

    Un jour, la jeune fille à la Poule d'Or, Princesse du pays des oiseaux, arriva dans Dongzhousha et y éleva un millier de poules d'or. Les poules d'or, au plumage resplendissant et multicolore conduites par leur Princesse, cherchaient chaque jour leur nourriture dans les fourrés et venaient s'ébattre sur la grève du fleuve.

    Une année, à la fête de la mi-automne, la jeune fille à la Poule d'Or fut invitée à un banquet dans le Palais de Baoxiao. Après le banquet, comme la lune était déjà haute dans le ciel, chevauchant une poule d'or, elle s'envola avec ses oiseaux.


    Arrivée au dessus du Fuchunjiang, en baissant la tête, elle regarda le paysage: Ah! Les lampes des deux rives se reflétaient dans le fleuve, et le Fuchunjiang offrait un tableau magnifique qui la ravissait.


    Soudain, elle entendit de loin quelqu'un pleurer, alors elle ordonna à ses poules d'or de descendre rapidement du ciel, et elle s'avança elle-même sur les marches de pierre dans la direction du bruit.

    Sous la lune embrumée, elle vit un homme assis au bord de l'eau, tête basse, et qui pleurait tristement. La Princesse s'approcha et l'appela doucement:


    "Oncle, oncle!..." Mais l'homme se leva soudain et se jeta dans le fleuve.

    Etonnée, la jeune fille à la Poule d'Or fit un signe de la manche pour demander à ses oiseaux de sauver l'homme immédiatement. A l'appel de leur maîtresse, les poules d'or déployèrent leurs ailes, firent trois tours sur la surface d'eau et plongèrent. Quelques instants après, l'homme était sauvé.

    L'homme avait les mâchoires contractées et le teint livide, il semblait prêt à rendre le dernier soupir. En voyant cela, la jeune fille à la Poule d'Or fit apparaître un nuage léger; elle s'installa sur son extrémité et demanda à ses oiseaux d'emporter l'homme sur leur dos. Ensemble ils traversèrent le fleuve et retournèrent à Dongzhousha.

    La Princesse fit étendre l'homme sur un tapis de plume, choisit trente-six poules d'or pour le réchauffer de leur corps et recueillit un bol de miel de fleur de pêcher pour le nourrir. Il revint enfin à lui le lendemain matin. Il se confondit en remerciements; il s'appelait Qiu Bao, sa famille habitait dans le Qiujiabu, sur la rive nord du fleuve. Il avait voulu mourir, parce que sa famille venait d'être ruinée par un incendie.


    La jeune fille à la Poule d'Or l'écouta attentivement et crut tout ce qu'il disait. Compatissant de tout son coeur à son malheur, elle lui donna un oeuf d'or.


    Qiu Bao prit l'oeuf et s'agenouilla pour la remercier. La jeune fille à la Poule d'Or le releva et demanda aux poules d'or de l'accompagner jusqu'à la rive nord.


    Mais en réalité, tout ce que Qiu Bao avait dit n'était que mensonge. Il détestait le travail, aimait la vie facile et le jeu. En dette de jeu avec un neveu, son voisin, celui-ci le gourmandait et le frappait souvent parce qu'il était incapable de s'acquitter. La veille au soir, il avait fui devant les coups.


    Ayant entendu quelqu'un appeler, il avait cru que c'était son neveu qui arrivait et, de frayeur, s'était jeté dans le fleuve. Il avait eu la chance d'être sauvé par la jeune fille à la Poule d'Or et encore de se faire donner un oeuf d'or.

    De retour sur la rive nord, il songea que les poules d'or pondaient beaucoup d'oeufs, et il désira s'en faire donner d'autres. Le lendemain matin, il se frappa le visage de manière à se marquer la figure, puis il lacéra ses vêtements, se banda la jambe et chercha un petit bateau pour traverser.


    Il arriva en boitant à Dongzhousha, s'agenouilla devant la Princesse en pleurant à chaudes larmes :


    - Hier soir, j'ai rencontré des brigands, on m'a volé mon oeuf d'or et on m'a roué de coups, dit-il. Emue de le voir dans ce triste état, la jeune fille à la Poule d'Or lui donna un autre oeuf d'or, Qiu Bao le prit et partit en remerciant.

    Alors Qui Bao alla à Dongzhousha tous les trois jours. Au début, il réussit à escroquer chaque fois un oeuf d'or, puis la Princesse finit par découvrir son manège. Elle ne lui donna plus rien et lui conseilla :

    - Il faut travailler pour être un homme.

    Désespéré, Qui Bao rentra les mains vides et rumina de perfides desseins :


    "On dit souvent que l'homme doit avoir un coeur de fer! Si je me saisis de toutes les poules d'or de Dongzhousha, je serai l'homme le plus riche du monde."


    Alors Qiu Bao ayant rassemblé de nombreux vanniers se cacha avec eux dans une haute montagne où ils consacrèrent six mois à la confection d'une cage pour les précieuses poules. Cette cage était grande et haute; elle pouvait s'ouvrir et se fermer par un déclic qui faisait tomber ou se relever un rideau de bambou.


    Un jour, Qui Bao plaça la cage à poules grande ouverte sur la grève de la rive nord. elle était tendue d'étoffe rouge et verte. Il se rendit ensuite à Dongzhousha où il prétendit que pour remercier du secours apporté et des oeufs d'or, il avait construit un "Palais de la Poule d'Or" sur la rive nord. Aujourd'hui, il avait préparé de bons plats et des vins fins pour inviter la Princesse et toutes les poules d'or.


    Touchée par l'amabilité de Qiu Bao, la jeune fille à la Poule d'Or ne voulut pas refuser, et se décida alors à aller voir le "Palais" avec ses oiseaux. Qiu Bao demanda à des amis de frapper sur les gongs et de battre du tambour; lui, il se prosternait tous les trois pas pour engager ses invitées à manger.


    Soudain, avec un bruit sec, le rideau de bambou se ferema, Qiu Bao avait appuyé sur le déclic. La Princesse et les poules d'or étaient enfermées dans la cage.

    La jeune fille demanda avec colère :

    - Qu'est-ce que tu fais, Qiu Bao?

    - Je vous le dis franchement: dès maintenant, vous me servirez toute votre vie, dit-il en ricanant.

    La Princesse comprenait tout maintenant, cependant elle fit mine de ne pas se fâcher :


    - Qiu Bao, je sais maintenant quel genre d'homme tu es. On est toujours puni quand on fait le mal. Je te conseille d'abandonner tes desseins immédiatement.


    - Ha! Ha! Tu es ma servante, mon esclave; si tu veux rester en vie, tu dois demander tout d'abord à toutes les poules de pondre pour moi, dit Qiu Bao en roulant des yeux féroces.


    - Je serai franche également, dorénavant, tu n'obtiendras plus un seul oeuf, dit la jeune fille.

    Qiu Bao menaça :


    - Je vais tuer les poules pour prendre leurs oeufs d'or.


    - Essaie un peu! dit la Princesse avec mépris.


    Qiu Bao était déconcerté: Si j'ouvrais la cage, se dit-il, la jeune fille et les poules s'enfuiraient certainement. Alors je vais tout d'abord tuer la fille.


    Il prit son arc et ses flèches, encocha une flèche et visa.


    Une, deux, trois... Il décocha une trentaine de flèches de suite, mais la jeune fille les arrêta dans sa main. Qiu Bao fouilla dans son carquois, il était vide.


    Elle dit alors :


    - En as-tu encore ?


    Qiu Bao commença à se troubler. En voyant les flèches dans la main de la Princesse, il eut un frisson de peur.


    A ce moment même, la jeune fille agita légèrement la manche de son vêtement, un éclair d'or passa, et la cage s'évanouit en fumée noire. Qiu Bao maintenant songeait à fuir. La jeune fille fit un cordon de ses tresses en souriant, attacha ensemble les pointes des trente-deux flèches et les lança vers le ciel.


    Les empennes s'ouvrirent et formèrent une sorte de couvercle conique qui descendit rapidement en vrille et fint par recouvrir Qiu Bao.

    Qiu Bao se cogna un moment contre les parois, puis se prosternant :
    - Jeune fille à la Poule d'Or, aie pitié de moi, grâce!

    - Je peux porter secours aux gens, mais je ne fais pas grâce de la vie; tu comprendras plus tard, dit la jeune fille.


    Ensuite, la Princesse demanda à toutes les poules d'or de voler vers la haute montagne et le fleuve pour prendre dans leur bec des grains de sable et elles les jetèrent sur la tête de Qiu Bao.


    Jour après jour, mois après mois... Une petite montagne finit par s'élever sur les lieux. Elle était en forme de cage pour les poules précieuses parce que les trente-deux flèches y étaient enterrées. C'est pourquoi on l'appela le Jilongshan.


    Depuis lors, la jeune fille à la Poule d'Or quitta définitivement Dongzhousha avec ses oiseaux et ne revint jamais.


    Un an après, un jeune bambou avait poussé sur le Jilongshan; c'était la pousse des flèches. Les bambous se multiplièrent d'année en année. Quelques années plus tard, le mont était couvert d'une forêt de bambous.


    Avec les années, les bambous du Jilongshan poussèrent de plus en plus serrés; ils étaient hauts et droits. Chose extraordinaire, quand on coupa pour la première fois les bambous, si on jetait avec force les tronçons par terre, ils se fendaient aisément en trente-deux parties égales.


    Avec le temps, la forêt s'éclaircit quelque peu à force de couper les bambous, et leur propriété de se scinder en trente-deux parties disparut peu à peu. Mais ils gardèrent cependant le caractère de se fendre facilement.


    Avec cette matière, on fabrique encore aujourd'hui l'armature des ombrelles de soie du Lac de l'Ouest.


     

     

     


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  • Il y a bien longtemps, une sécheresse terrible sévissait à Hangzhou. Aux environs du Lac de l'Ouest, la terre se fendait en crevasses, les plantes commençaient à se flétrir faute d'eau.

    Les paysans, fort inquiets pour leur subsistance, se virent obligés d'aller présenter une supplique aux autorités compétentes pour les conjurer de les laisser irriguer les champs avec l'eau du lac. Cependant, les dignitaires corrompus, qui ne savaient que s'adonner aux plaisirs, ne prêtaient aucune attention aux prières du peuple. 

    Un jour, les villageois se rassemblèrent spontanément à la porte du bâtiment officiel pour supplier avec plus d'insistance :

    - Ayez pitié de nous, magistrat! Permettez-nous d'irriguer les champs avec l'eau du lac! Nous allons périr si vous nous refusez de l'eau, de l'eau! criaient-ils sans cesse.

    La tête fatiguée par leurs cris, le magistrat dut se présenter devant la foule, il gronda :

    - Qui demande d'irriguer les champs avec l'eau du Lac de l'Ouest? Et où les poissons s'abriteraient-ils si le lac était desséché ? 

    - Oh vénérable magistrat, voudriez-vous nous dire lequel est le plus urgent à sauver, du poisson ou de l'homme rétorquèrent les villageois en choeur.

    Le magistrat ne trouva d'abord rien à répondre, mais il ne se tint pas pour battu, et avança un deuxième prétexte ridicule pour refuser: 

    - Qui demande d'ouvrir les écluses du Lac de l'Ouest? Si le lac était desséché, les lotus et les châtaignes d'eau ne se flétriraient-ils pas ? 

    - Mais lequel est indispensable à l'homme, le riz ou les lotus? lancèrent les villageois presque d'une seule voix. 

    Le magistrat en eut la gorge nouée et ne put trouver un mot à répondre. 

    Juste à ce moment-là, une voix se fit entendre dans la foule : 

    - Voilà qui est bien dit et fort raisonnable ! 

    En tournant la tête, les villageois virent un homme dans la cinquantaine, le menton orné d'une longue barbe, la tête couverte d'une coiffure carrée en étoffe, un manteau noir sur les épaules et un air amène sur le visage. 

    A la vue de cet inconnu, le magistrat entra tout de suite en fureur, et l'apostropha d'une voix tonnante : 

    - Quoi, qu'est-ce que tu as dit? J'ai tout compris maintenant, c'est toi qui a incité la foule à se rassembler ici ! 'homme l'interrompit :

    - Non, vous faites erreur! Je viens d'arriver ici. Mais je me demande si toi, en tant que magistrat, tu n'aurais pas le devoir d'écouter la plainte du peuple ?
    Haussant les sourcils, le magistrat, lui demanda brutalement :

    - Qui es-tu ? 

    - Je ne suis autre que Bai Juyi*.(*772-846, célèbre Poète de la Dynastie des Tang) 

    A ce nom de Bai Juyi, le magistrat devint tout pâle, descendit en hâte de son perron, et alla saluer le voyageur, s'inclinant bien bas et implorant son pardon :

    - Oh, mon dieu, excusez-moi, préfet Bai, je ne vous avais pas reconnu; si j'avais été averti de votre arrivée, j'aurais été à votre rencontre vous accueillir. Voulez-vous passer dans la salle de réception pour vous reposer un peu ? 

    Bai, récemment nommé préfet de Hangzhou, s'était rendu dans la ville pour y prendre ses fonctions et, pour se renseigner directement auprès des habitants, il n'avait pas revêtu les habits insignes de son grade. 

    Dès qu'il fut entré en fonction le lendemain, il émit un décret ordonnant d'ouvrir les écluses du Lac de l'Ouest pour arroser les champs. En contemplant l'eau limpide qui coulait joyeusement dans les rizières, les villageois disaient avec reconnaissance : 

    - C'est le préfet Bai qui nous a sauvés, nous autres, pauvres paysans ! 

    Peu de temps après son arrivée, Bai Juyi commença à se rendre chez les paysans pour faire des enquêtes sur leurs conditions de vie. Enfin, pour répondre à la demande des habitants de Hangzhou, une digue et une écluse furent construites l'année suivante, de sorte que le Lac de l'Ouest pût avoir de l'eau en abondance en toute saison. 

    En outre, de peur que ses successeurs ne comprennent pas l'importance de la digue pour les paysans, Bai Juyi composa un récit dans lequel il relatait en détail le rôle de la digue, les moyens de la protéger et la manoeuvre des vannes de l'écluse. Sur son ordre, ce récit fut gravé sur une stèle érigée sur les lieux. 

    Quand les habitants y lisaient des indications sur le volume d'eau nécessaire pour irriguer une superficie donnée de champs, ils étaient tous profondément touchés. Beaucoup proposèrent donc d'écrire à l'Empereur pour lui demander de promouvoir Bai Juyi selon ses mérites.

    Celui-ci connaissait bien les souffrances des pauvres pour lesquels il éprouvait une profonde sympathie, comme en témoignent les vers suivants : 

    Les impôts écrasants engendrent la pauvreté;

    Les champs assoiffés, la famine vient menacer.

    Que ce lac plein d'eau que je vous ai laissé

                                                    Puisse vous sauver les années de calamités !
    Au cours des trois ans qu'il fut préfet de Hangzhou, Bai se montra très exigeant quant au contrôle du Lac de l'Ouest. Une fois, lors d'une promenade au bord du lac, il aperçut par hasard des gens en train de transporter de la terre dans le lac probablement pour y bâtir un pavillon et une villa. 

    Il envoya donc ses serviteurs aux informations et, quand on lui apprit que c'était le beau-père du haut magistrat local qui se faisait construire un jardin, il le fit comparaître devant le tribunal. 

    - le Lac de l'Ouest appartient à tous, comment pourrais-tu t'en approprier une partie? Je te condamne à défricher cent mous de terre inculte ! 

    Le vieillard, comprenant que Bai n'avait qu'une parole, se vit obligé de recruter de la main-d'oeuvre pour s'acquitter de son amende.

    Une autre fois, au retour d'une promenade sur le sentier de Lingyin, Bai, voyant un homme qui avait abattu deux arbres, vint à lui et l'interpella : 

    - Si les arbres étaient tous coupés, la terre et le sable ne seraient-ils pas emportés par les torrents dans le lac? Comme punition, je te demande d'en planter dix. 

    L'homme, n'ayant pas le choix, s'en fut, pour racheter sa faute, planter dix arbres.

    Depuis lors, personne n'osa plus empiéter sur le lac pour construire une maison ou couper des arbres sur les collines. 

    Si Bai Juyi aimait les habitants de Hangzhou, il adorait les paysages du Lac de l'Ouest. Chaque fois qu'il se trouvait libéré des affaires d'Etat, il était heureux de faire une promenade sur la digue Baisha (la Digue de Sable blanc) ou au pied de la colline Solitaire, pour se griser des beautés de la nature. 

    A la vue des traînées de brume flottant sur le lac au doux clapotis et des saules au tendre feuillage agités par la brise, il se sentait aussitôt saisi par l'inspiration poétique. Au temps où il était préfet de Hangzhou, il a donc composé un grand nombre de poèmes où il évoque les paysages du Lac de l'Ouest auxquels sa plume donne encore plus de charme et de poésie.

    Un jour qu'il chevauchait sur la digue Baisha en revenant du Temple de la colline Solitaire, Bai Juyi se sentit tout à coup emporté par l'inspiration et improvisa les vers suivants :

    Au nord, le Temple de la colline Solitaire, à l'ouest le pavillon Jia;

    La brume flotte sur la surface lisse du lac.

    Au matin, les rossignols se disputent les arbres ensoleillés,

    De quel toit viennent ces hirondelles qui picorent la boue printanière ?

    Toutes sortes de fleurs s'ouvrent, éblouissant les yeux.

    L'herbe nouvelle cache à peine les sabots des chevaux.

    Je ne me lasse pas de me promener sur la rive de l'est,

    Où les saules verts ombragent le digue de Sable blanc.

     

    Juste à ce moment-là, de l'autre bout du sentier, s'avançait une vieille femme qui, elle aussi, se délassait à admirer le paysage. Bai alla immédiatement à sa rencontre : 
    - Voudriez-vous écouter le poème que je viens de composer ? 

    Puis, sans attendre la réponse de la vieille femme, il se mit à lire son poème à haute voix.

    La lecture à peine terminée, la vieille femme s'exclama : 

    - Oh, c'est un bon poème! Mais j'ai un conseil à vous donner, je vous propose de remplacer le mot "je" par un autre, pour que votre poème reflète les sentiments de tous les habitants de Hangzhou, car nous autres aussi nous aimons le Lac de l'Ouest! Vous n'êtes pas le seul à l'adorer ! 

    Bai, enchanté, reconnut en riant :

    - Vénérable dame, vous avez raison, vous me proposez une bonne correction pour mon poème, je dois vous en remercier ! 

    Plus tard, lorsque la vieille femme apprit que l'auteur du poème n'était autre que Bai Juyi, elle ne put s'empêcher de raconter la chose à ses voisins : 

    "J'ai apporté une correction à un poème de Bai Juyi, et il m'en a remerciée!"

    Dès lors, cette petite histoire se répandit à Hangzhou et contribua à illustrer la personnalité de Bai Juyi. 

    Tant qu'il eut la charge de l'administration de Hangzhou, Bai Juyi réalisa une foule de choses utiles pour le peuple. Par exemple, il organisa de grands travaux pour bâtir des barrages, reboiser les collines ainsi que pour améliorer le système de contrôle du Lac de l'Ouest, de sorte qu'une immense superficie de champs en tiraient profit. 

    Ainsi, Hangzhou se transforma graduellement en un pays aux eaux limpides et aux montagnes verdoyantes, et connut une prospérité sans précédent dans son histoire. Mais les mérites de Bai Juyi étant parvenus aux oreilles de l'Empereur, celui-ci le rappela dans la capitale. 

    A la nouvelle que Bai allait être transféré dans la capitale, les habitants de Hangzhou, apportant du vin et des gâteaux, se réunirent de bonne heure au bord du lac pour lui dire adieu. On attendit longtemps, très longtemps... 

    Mais ni le son des gonds ni le brouhaha d'un cortège ne se faisait entendre. Enfin, Bai, monté sur un cheval blanc, arriva silencieusement, venant du mont Tianzhu, suivi de ses serviteurs qui ne portaient rien sauf deux morceaux de pierre sur une palanche.

    Tout en poursuivant son chemin, Bai adressait sans cesse la parole à ses concitoyens qui, en étouffant leurs sanglots, s'attroupaient autour de lui. 

    Emu par ce spectacle, Bai Juyi improvisa ce poème sans descendre de cheval :

      J'ai été préfet ici durant trois ans,

    Vivant de mets simples et d'eau claire.

    J'ai seulement demandé au mont Tianzhu

    Ces deux morceaux de pierre

    Qui me sont plus précieux que l'or.

    Cela pourrait-il entamer mon intégrité ?

      La population, pleine de regrets, accompagna Bai Juyi jusqu'à l'embarcadère du Grand Canal...

    Après avoir quitté Hangzhou, Bai, assis solitaire sur la proue du bateau, se sentait d'humeur chagrine et il garda toujours le silence durant tout le trajet. Un de ses serviteurs, voyant que son maître ne voulait ni boire ni se distraire en lisant des poèmes, hasarda cette remarque :

    - Monsieur le préfet Bai, je sais bien que le poste de préfet de Hangzhou vous plaisait beaucoup. Mais, de toute façon, cela ne vaut pas un poste à la cour dans la capitale. Pourquoi faites-vous si sombre mine ? 

    - Ne vois-tu pas, répondit Bai en soupirant, que je suis atteint d'une maladie ! 

    - Quoi! vous êtes malade? Mais, on ne le dirait pas. Vous dormez bien, vous avez toujours bon appétit; qu'est-ce que vous avez donc ? 

    - C'est la nostalgie qui s'empare de moi! Tu ne peux pas imaginer combien je me suis attaché aux paysages du Lac de l'Ouest! Rien qu'à la pensée de m'en séparer, je me sens triste, comme si je languissais d'amour ! 

    Le serviteur alors éclata de rire en disant : 

    - Oh, c'est une maladie bien curieuse !

    Bai, qui se trouvait aussi un peu ridicule, ne put non plus s'empêcher de rire aux éclats, et se mit à déclamer cette improvisation :

      Il est possible d'avoir la manie d'aimer la nature,

    Mais, il est incroyable d'en souffrir comme du mal d'amour!

    Puisque j'avoue être atteint d'une telle maladie,
    Vous pouvez imaginer qu'elle splendeur le Lac de l'Ouest recèle !

      Le bateau allait arriver à l'extrémité de la province du Zhejiang, et là Bai devait changer de bateau et renvoyer celui qu'il avait pris en premier. Pour exprimer une dernière fois son attachement au Lac de l'Ouest, il prit son pinceau et écrivit un poème. Puis, il passa la feuille de papier au timonier en lui recommandant de l'accrocher au pavillon situé à l'extrémité est du Pont brisé sur le Lac de l'Ouest.

      Depuis que j'ai quitté les montagnes et les eaux Quiantang,

    Je n'ai plus de goût à boire ni à rimer.

    Que ce bac, au retour, transmette mes sentiments

    Au vent et à la lune du Lac de l'Ouest.

      Bai Juyi s'était éloigné, mais les habitants de Hangzhou gardaient précieusement son souvenir, on le surnommait avec affection "Notre Bai" et certains gardaient son portrait dans leur maison ou suspendaient ses poèmes calligraphiés sur leurs murs.

      La digue, bâtie à l'époque de l'administration de Bai Juyi, n'existe plus maintenant à Hangzhou. Mais en souvenir de ce grand poète qui avait tant fait pour le bien être du peuple, les habitants du Hangzhou ont rebaptisé la digue Baisha (la Digue de Sable blanc), qui relie le Pont brisé et la colline Solitaire, en "Digue du Seigneur Bai" qui plus tard devint simplement "Digue Baidi" (la Digue blanche).




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