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Contes et légendes de la Chine – Bai Juyi à Hanzhou
Il y a bien longtemps, une sécheresse terrible sévissait à Hangzhou. Aux environs du Lac de l'Ouest, la terre se fendait en crevasses, les plantes commençaient à se flétrir faute d'eau.
Les paysans, fort inquiets pour leur subsistance, se virent obligés d'aller présenter une supplique aux autorités compétentes pour les conjurer de les laisser irriguer les champs avec l'eau du lac. Cependant, les dignitaires corrompus, qui ne savaient que s'adonner aux plaisirs, ne prêtaient aucune attention aux prières du peuple.
Un jour, les villageois se rassemblèrent spontanément à la porte du bâtiment officiel pour supplier avec plus d'insistance :
- Ayez pitié de nous, magistrat! Permettez-nous d'irriguer les champs avec l'eau du lac! Nous allons périr si vous nous refusez de l'eau, de l'eau! criaient-ils sans cesse.
La tête fatiguée par leurs cris, le magistrat dut se présenter devant la foule, il gronda :
- Qui demande d'irriguer les champs avec l'eau du Lac de l'Ouest? Et où les poissons s'abriteraient-ils si le lac était desséché ?
- Oh vénérable magistrat, voudriez-vous nous dire lequel est le plus urgent à sauver, du poisson ou de l'homme rétorquèrent les villageois en choeur.
Le magistrat ne trouva d'abord rien à répondre, mais il ne se tint pas pour battu, et avança un deuxième prétexte ridicule pour refuser:
- Qui demande d'ouvrir les écluses du Lac de l'Ouest? Si le lac était desséché, les lotus et les châtaignes d'eau ne se flétriraient-ils pas ?
- Mais lequel est indispensable à l'homme, le riz ou les lotus? lancèrent les villageois presque d'une seule voix.
Le magistrat en eut la gorge nouée et ne put trouver un mot à répondre.
Juste à ce moment-là, une voix se fit entendre dans la foule :
- Voilà qui est bien dit et fort raisonnable !
En tournant la tête, les villageois virent un homme dans la cinquantaine, le menton orné d'une longue barbe, la tête couverte d'une coiffure carrée en étoffe, un manteau noir sur les épaules et un air amène sur le visage.
A la vue de cet inconnu, le magistrat entra tout de suite en fureur, et l'apostropha d'une voix tonnante :
- Quoi, qu'est-ce que tu as dit? J'ai tout compris maintenant, c'est toi qui a incité la foule à se rassembler ici ! 'homme l'interrompit :
- Non, vous faites erreur! Je viens d'arriver ici. Mais je me demande si toi, en tant que magistrat, tu n'aurais pas le devoir d'écouter la plainte du peuple ?
Haussant les sourcils, le magistrat, lui demanda brutalement :- Qui es-tu ?
- Je ne suis autre que Bai Juyi*.(*772-846, célèbre Poète de la Dynastie des Tang)
A ce nom de Bai Juyi, le magistrat devint tout pâle, descendit en hâte de son perron, et alla saluer le voyageur, s'inclinant bien bas et implorant son pardon :
- Oh, mon dieu, excusez-moi, préfet Bai, je ne vous avais pas reconnu; si j'avais été averti de votre arrivée, j'aurais été à votre rencontre vous accueillir. Voulez-vous passer dans la salle de réception pour vous reposer un peu ?
Bai, récemment nommé préfet de Hangzhou, s'était rendu dans la ville pour y prendre ses fonctions et, pour se renseigner directement auprès des habitants, il n'avait pas revêtu les habits insignes de son grade.
Dès qu'il fut entré en fonction le lendemain, il émit un décret ordonnant d'ouvrir les écluses du Lac de l'Ouest pour arroser les champs. En contemplant l'eau limpide qui coulait joyeusement dans les rizières, les villageois disaient avec reconnaissance :
- C'est le préfet Bai qui nous a sauvés, nous autres, pauvres paysans !
Peu de temps après son arrivée, Bai Juyi commença à se rendre chez les paysans pour faire des enquêtes sur leurs conditions de vie. Enfin, pour répondre à la demande des habitants de Hangzhou, une digue et une écluse furent construites l'année suivante, de sorte que le Lac de l'Ouest pût avoir de l'eau en abondance en toute saison.
En outre, de peur que ses successeurs ne comprennent pas l'importance de la digue pour les paysans, Bai Juyi composa un récit dans lequel il relatait en détail le rôle de la digue, les moyens de la protéger et la manoeuvre des vannes de l'écluse. Sur son ordre, ce récit fut gravé sur une stèle érigée sur les lieux.
Quand les habitants y lisaient des indications sur le volume d'eau nécessaire pour irriguer une superficie donnée de champs, ils étaient tous profondément touchés. Beaucoup proposèrent donc d'écrire à l'Empereur pour lui demander de promouvoir Bai Juyi selon ses mérites.
Celui-ci connaissait bien les souffrances des pauvres pour lesquels il éprouvait une profonde sympathie, comme en témoignent les vers suivants :
Les impôts écrasants engendrent la pauvreté;
Les champs assoiffés, la famine vient menacer.
Que ce lac plein d'eau que je vous ai laissé
Puisse vous sauver les années de calamités !
Au cours des trois ans qu'il fut préfet de Hangzhou, Bai se montra très exigeant quant au contrôle du Lac de l'Ouest. Une fois, lors d'une promenade au bord du lac, il aperçut par hasard des gens en train de transporter de la terre dans le lac probablement pour y bâtir un pavillon et une villa.Il envoya donc ses serviteurs aux informations et, quand on lui apprit que c'était le beau-père du haut magistrat local qui se faisait construire un jardin, il le fit comparaître devant le tribunal.
- le Lac de l'Ouest appartient à tous, comment pourrais-tu t'en approprier une partie? Je te condamne à défricher cent mous de terre inculte !
Le vieillard, comprenant que Bai n'avait qu'une parole, se vit obligé de recruter de la main-d'oeuvre pour s'acquitter de son amende.
Une autre fois, au retour d'une promenade sur le sentier de Lingyin, Bai, voyant un homme qui avait abattu deux arbres, vint à lui et l'interpella :
- Si les arbres étaient tous coupés, la terre et le sable ne seraient-ils pas emportés par les torrents dans le lac? Comme punition, je te demande d'en planter dix.
L'homme, n'ayant pas le choix, s'en fut, pour racheter sa faute, planter dix arbres.
Depuis lors, personne n'osa plus empiéter sur le lac pour construire une maison ou couper des arbres sur les collines.
Si Bai Juyi aimait les habitants de Hangzhou, il adorait les paysages du Lac de l'Ouest. Chaque fois qu'il se trouvait libéré des affaires d'Etat, il était heureux de faire une promenade sur la digue Baisha (la Digue de Sable blanc) ou au pied de la colline Solitaire, pour se griser des beautés de la nature.
A la vue des traînées de brume flottant sur le lac au doux clapotis et des saules au tendre feuillage agités par la brise, il se sentait aussitôt saisi par l'inspiration poétique. Au temps où il était préfet de Hangzhou, il a donc composé un grand nombre de poèmes où il évoque les paysages du Lac de l'Ouest auxquels sa plume donne encore plus de charme et de poésie.
Un jour qu'il chevauchait sur la digue Baisha en revenant du Temple de la colline Solitaire, Bai Juyi se sentit tout à coup emporté par l'inspiration et improvisa les vers suivants :
Au nord, le Temple de la colline Solitaire, à l'ouest le pavillon Jia;
La brume flotte sur la surface lisse du lac.
Au matin, les rossignols se disputent les arbres ensoleillés,
De quel toit viennent ces hirondelles qui picorent la boue printanière ?
Toutes sortes de fleurs s'ouvrent, éblouissant les yeux.
L'herbe nouvelle cache à peine les sabots des chevaux.
Je ne me lasse pas de me promener sur la rive de l'est,
Où les saules verts ombragent le digue de Sable blanc.
Juste à ce moment-là, de l'autre bout du sentier, s'avançait une vieille femme qui, elle aussi, se délassait à admirer le paysage. Bai alla immédiatement à sa rencontre :
- Voudriez-vous écouter le poème que je viens de composer ?Puis, sans attendre la réponse de la vieille femme, il se mit à lire son poème à haute voix.
La lecture à peine terminée, la vieille femme s'exclama :
- Oh, c'est un bon poème! Mais j'ai un conseil à vous donner, je vous propose de remplacer le mot "je" par un autre, pour que votre poème reflète les sentiments de tous les habitants de Hangzhou, car nous autres aussi nous aimons le Lac de l'Ouest! Vous n'êtes pas le seul à l'adorer !
Bai, enchanté, reconnut en riant :
- Vénérable dame, vous avez raison, vous me proposez une bonne correction pour mon poème, je dois vous en remercier !
Plus tard, lorsque la vieille femme apprit que l'auteur du poème n'était autre que Bai Juyi, elle ne put s'empêcher de raconter la chose à ses voisins :
"J'ai apporté une correction à un poème de Bai Juyi, et il m'en a remerciée!"
Dès lors, cette petite histoire se répandit à Hangzhou et contribua à illustrer la personnalité de Bai Juyi.
Tant qu'il eut la charge de l'administration de Hangzhou, Bai Juyi réalisa une foule de choses utiles pour le peuple. Par exemple, il organisa de grands travaux pour bâtir des barrages, reboiser les collines ainsi que pour améliorer le système de contrôle du Lac de l'Ouest, de sorte qu'une immense superficie de champs en tiraient profit.
Ainsi, Hangzhou se transforma graduellement en un pays aux eaux limpides et aux montagnes verdoyantes, et connut une prospérité sans précédent dans son histoire. Mais les mérites de Bai Juyi étant parvenus aux oreilles de l'Empereur, celui-ci le rappela dans la capitale.
A la nouvelle que Bai allait être transféré dans la capitale, les habitants de Hangzhou, apportant du vin et des gâteaux, se réunirent de bonne heure au bord du lac pour lui dire adieu. On attendit longtemps, très longtemps...
Mais ni le son des gonds ni le brouhaha d'un cortège ne se faisait entendre. Enfin, Bai, monté sur un cheval blanc, arriva silencieusement, venant du mont Tianzhu, suivi de ses serviteurs qui ne portaient rien sauf deux morceaux de pierre sur une palanche.
Tout en poursuivant son chemin, Bai adressait sans cesse la parole à ses concitoyens qui, en étouffant leurs sanglots, s'attroupaient autour de lui.
Emu par ce spectacle, Bai Juyi improvisa ce poème sans descendre de cheval :
J'ai été préfet ici durant trois ans,
Vivant de mets simples et d'eau claire.
J'ai seulement demandé au mont Tianzhu
Ces deux morceaux de pierre
Qui me sont plus précieux que l'or.
Cela pourrait-il entamer mon intégrité ?
La population, pleine de regrets, accompagna Bai Juyi jusqu'à l'embarcadère du Grand Canal...
Après avoir quitté Hangzhou, Bai, assis solitaire sur la proue du bateau, se sentait d'humeur chagrine et il garda toujours le silence durant tout le trajet. Un de ses serviteurs, voyant que son maître ne voulait ni boire ni se distraire en lisant des poèmes, hasarda cette remarque :
- Monsieur le préfet Bai, je sais bien que le poste de préfet de Hangzhou vous plaisait beaucoup. Mais, de toute façon, cela ne vaut pas un poste à la cour dans la capitale. Pourquoi faites-vous si sombre mine ?
- Ne vois-tu pas, répondit Bai en soupirant, que je suis atteint d'une maladie !
- Quoi! vous êtes malade? Mais, on ne le dirait pas. Vous dormez bien, vous avez toujours bon appétit; qu'est-ce que vous avez donc ?
- C'est la nostalgie qui s'empare de moi! Tu ne peux pas imaginer combien je me suis attaché aux paysages du Lac de l'Ouest! Rien qu'à la pensée de m'en séparer, je me sens triste, comme si je languissais d'amour !
Le serviteur alors éclata de rire en disant :
- Oh, c'est une maladie bien curieuse !
Bai, qui se trouvait aussi un peu ridicule, ne put non plus s'empêcher de rire aux éclats, et se mit à déclamer cette improvisation :
Il est possible d'avoir la manie d'aimer la nature,
Mais, il est incroyable d'en souffrir comme du mal d'amour!
Puisque j'avoue être atteint d'une telle maladie,
Vous pouvez imaginer qu'elle splendeur le Lac de l'Ouest recèle !Le bateau allait arriver à l'extrémité de la province du Zhejiang, et là Bai devait changer de bateau et renvoyer celui qu'il avait pris en premier. Pour exprimer une dernière fois son attachement au Lac de l'Ouest, il prit son pinceau et écrivit un poème. Puis, il passa la feuille de papier au timonier en lui recommandant de l'accrocher au pavillon situé à l'extrémité est du Pont brisé sur le Lac de l'Ouest.
Depuis que j'ai quitté les montagnes et les eaux Quiantang,
Je n'ai plus de goût à boire ni à rimer.
Que ce bac, au retour, transmette mes sentiments
Au vent et à la lune du Lac de l'Ouest.
Bai Juyi s'était éloigné, mais les habitants de Hangzhou gardaient précieusement son souvenir, on le surnommait avec affection "Notre Bai" et certains gardaient son portrait dans leur maison ou suspendaient ses poèmes calligraphiés sur leurs murs.
La digue, bâtie à l'époque de l'administration de Bai Juyi, n'existe plus maintenant à Hangzhou. Mais en souvenir de ce grand poète qui avait tant fait pour le bien être du peuple, les habitants du Hangzhou ont rebaptisé la digue Baisha (la Digue de Sable blanc), qui relie le Pont brisé et la colline Solitaire, en "Digue du Seigneur Bai" qui plus tard devint simplement "Digue Baidi" (la Digue blanche).
Tags : bai, lac, hanzhou, ouest, juyi
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Commentaires
3sylvie8454Lundi 21 Avril 2008 à 07:13Répondre
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