• L’Ormont, la montagne de l’or, dresse, fièrement son dôme chevelu au-dessus de la coquette ville de Saint-Dié.

    Autrefois, le sommet de l’Ormont était habité par tout un peuple de fées et de lutins. Ceux-ci avaient pour principal officie de veiller sur un magnifique chariot, empli de pièces d’or d’une valeur inestimable. Mais ce char était aux trois-quarts immergé dans un petit étang peu profond, situé à quelques pas du sommet. On voyait seulement son timon, dont les ferrures dorées scintillaient de mille feux, dépasser légèrement le niveau de l’eau. Les lutins, propriétaires de ce trésor, avaient décidé que ce chariot et son précieux chargement appartiendraient à celui qui réussirait, à l’aide de deux bœufs blancs, à le tirer de sa fâcheuse position. Ils y avaient ajouté une condition formelle : l’interdiction absolue pour le charretier de jure, tant que dureraient les efforts des animaux. Les lutins savaient bien qu’ils conserveraient pendant longtemps encore la garde du chariot, car les paysans des environs ne pouvaient s’empêcher de jurer à tout propos, surtout quand ils conduisaient leurs bêtes. Peut-être aussi voulaient-ils leur donner une leçon, et les inviter à abandonner cette fâcheuse pratique, en mettant à un tel prix la possession du trésor.

    En effet ; à plusieurs reprises, des paysans de tous âges, attirés par l’espoir des richesses, avaient tenté la dangereuse entreprise ; mais au dernier moment, leur détestable habitude les avait trahis.

    Or un jour, Colin, un jeune paysan qui habitait du côté de Moyen moutier, se décida à tenter sa chance à son tour.

    Il possédait dans son étable deux bœufs, à la puissante encolure, à la robe blanche comme neige de janvier, qu’il soignait avec affection. Il se promit bien de ne pas laisser échapper de juron fatal, et de ramener ainsi à sa ferme le merveilleux chariot.

    Plein de courage et d’espoir, Colin montait donc les pentes de l’Ormont. De leur pas calme et puissant, els deux bœufs le suivaient, gravissant sans effort les sentiers de la montagne. Ceux-ci étaient d’ailleurs en excellent état, car il n’avait pas plu depuis plus de trois semaines.

    Tout semblait donc favorable à Colin.

    En arrivant au sommet de l’Ormont, le jeune paysan assez ému aperçut le timon du chariot qui se dressait à quelques pas du bord, comme le mât d’un navire englouti.

    Cachés derrière les arbres, les fées et les lutins l’épièrent, le cœur battant et, voyant son air décidé et calme, chuchotèrent :

    -        
    En voilà un qui a bonne mine ! Peut-être réussira-t-il ?...

    Colin se mit uassitôt à l’ouvrage. Il fit entrer ses bœufs à reculons dans l’eau peu profonde. Ayant à peine de l’eau jusqu’aux genoux, les bêtes obéirent docilement et Colin saisit le timon, e fit glisser sous le joug et l’attacha solidement.

    Puis, il s’avança devant les bœufs et, les touchant légèrement de son aiguillon, leur cria :

    -        
    En avant ! Hue ! Ho ! Ho !...

    A la voix de leur maître, les bêtes tendirent tous leurs muscles On entendit aussitôt un grincement de roues.

    - C’est bon signe, pensa Colin.

    L’attelage fit un pas en avant.

    Cependant, le cœur des fées et des lutins s’étaie rapproché. Vivement intéressés, tous suivaient la tentative de l’homme. Les uns faisaient des vœux pour son succès. D’autres murmuraient :

    -        
    Que ferons-nous s’il réussit à tirer le chariot de là ?...

    Lentement, el chariot émergeait des flots. Colin, quoique tout occupé à diriger ses bêtes, ne pouvait se retenir de l’admirer. C’était, en effet, une pièce extraordinaire, où l’or des ridelles, des cercles des roues et des rayons, voisinait avec l’ivoire et le bois précieux. Quant à son chargement, Colin ne pouvait encore l’estimer, mais en voyant les efforts que faisaient ses bêtes, il pensait fort justement qu’il était très lourd.

    -         Hue ! Ho ! Ho !...

    Encore un pas en avant, puis un autre, puis un troisième et le chariot fut complètement hors de l’eau.

    Colin exultait.

    Mais, dégagé soudain de la poussée des flots, le char se fit si lourd, si lourd que les bœufs refusèrent d’avancer.

    Au surplus, les bords de l’étang, en pente assez fortement incliné, étaient boueux et le sol humide se dérobait sous les pieds des animaux.

    -        
    Avance ! Ho ! Ho ! Allez !...

    Mais les ordres restaient sans effet.

    Alors, Colin, s’approchant de ses bœufs, les encouragea, de la parole et du geste.

    -        
    Allez, mes bons amis, un petit effort. Ah ! le bon foin qui vous attend à la ferme ! C’est la dernière fois que nous travaillons ! Demain, nous seront riches ; Nous n’irons plus à la charrue. Vous demeurerez au pâturage, pendant toute l’année.

    Et les braves bêtes, comme si elles avaient compris ses paroles et senti l’importance de l’enjeu, s’accrochèrent désespérément au sol, tous les muscles bandés, le mufle baveux.

    Mais si le chariot se déplaça sensiblement, ce fut pour s’enfoncer encore un peu plus dans la fange. Déjà, il s’était embourbé jusqu’a la hauteur du moyeu.

    Colin commençait à s’énerver. Voyant que les bonnes paroles ne produisaient aucun effet, il saisit son aiguillon et en excita vivement ses bœufs. Sous la menace ceux-ci tentèrent un ultime effort. Tout leur corps était en sueur et l’écume leur sortait des nasaux. Le chariot s’ébranla péniblement et se déplaça d’un mètre environ.

    Mais Colin s’impatientait :

    -         Fainéants § Pendards ! Gueux ! hurlait-il à ses bœufs, épuisant ainsi tout le vocabulaire d’injures qui lui fût permis.

    Mais ce fut peine perdue.

    L’attelage exténué ne pouvait sortir de l’ornière, qui semblait se creuser sous lui.

    Hors de lui, Colin s’agitait, piquant ses bêtes sans le moindre ménagement.

    Et alors… le juron fatal, qui lui brûlait les lèvres depuis cinq minutes, éclata soudain, comme un coup de tonnerre !...

    Aussitôt, le merveilleux chariot s’évanouit brusquement.

    On entendit encore le ricanement des méchants lutins, heureux d’avoir fait une nouvelle victime.

    Nul ne sut, après cet événement, ce qu'tait devenu Colin. On ne le revit plus dans son village. Peut-être a-t-il disparu, lui aussi, emporté par le tourbillon du chariot merveilleux.

     


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  • Le Houeran, monstre imaginaire dont le nom, emprunté au patois, signifie crieur, hantait le sud des Hautes-Vosges. Il se tenait de préférence sur le Haut-du-Roc, montagne dénudée qui domine le bassin de la Moselotte, ou sur les rochers d'Urbain-Roche, au-dessus de Rochesson. Quelquefois, on l'entendait au Saint-Mont, ou en face, près de Dommartin, sur le mont qui s'élève entre la vallée de la Moselle et celle de la Moselotte, non loin du confluent des deux rivières. Il fréquentait aussi le val de Cleurie, et allait même jusqu'à Tendon. Il affectionnait les hauteurs, d'où il pouvait voir, de son œil perçant, ce qui se passait dans les montagnes et les vallées des environs, et contrôlait ainsi le territoire d'une vingtaine de communes.

    Ses cris stridents: «Houe! hou hou hou! houe! hou hou hou houe ! » effrayaient surtout les ouvriers de la foret, et plus spécialement les voleurs de bois. Ces derniers opéraient généralement de nuit. Sitôt arrivés sur les lieux, ils allumaient un grand feu dans une clairière, et se mettaient à abattre les arbres de leur choix. Il n'était pas rare, alors, que le Houeran, guidé par la lueur du brasier, ne surgît dans la «coupe » en poussant ses cris lugubres.

    Ceux qui l'ont vu le décrivaient ainsi: « D'une taille de géant, la barbe longue et hirsute, les yeux flamboyants, les jambes sèches et torses comme celles d'un bouc, il portait un large chapeau noir à bords rabattus, et son postérieur était une tête de bouc dont les deux cornes lui servaient pour s'asseoir près du feu. Il prenait dans ses mains des tisons ardents, sans se brûler». A son approche, les délinquants s'enfuyaient à toutes jambes, car ils craignaient moins les gardes des forêts qu'ils ne redoutaient le Houeran, fantastique, cousin du diable, des sorciers, des chasseurs maudits et autres mauvaises engeances.

    Ce monstre, dont il semble que le rôle consistait uniquement à épouvanter les chapardeurs de bois, était sans doute l'ingénieux travestissement de quelque gardien de la forêt ayant compris que la peur d'un être horrible et mystérieux serait plus forte que celle du «gendarme», pour protéger les bois des nombreuses déprédations qui s'y commettaient. Les cris effrayants provenaient tantôt des grands-ducs et autres oiseaux nocturnes, tantôt du garde lui-même, expert dans l'art d'imiter la voix de ces volatiles.

    Bibl.: Bammert, p. 90 ; Godat, que cite Seignolles ; Pierrot, Le Diable, Il, 48-49; Seignolles, pp. 168-169, qui cite Godat ; Thiriat, Cleurie, pp. 355-356.




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  • L’histoire se passe en Lorraine au XIVème siècle.

    Jean de Billy, dit «Renaud», comte de Morlange, est un seigneur orgueilleux et cruel.

    Il maltraite ses serfs et il est craint de tous ses chevaliers avec qui il aime chasser.

    Il déteste aussi le seigneur voisin  : Robert De Florange, plus jeune que lui et qu’il soupçonne de courtiser sa femme.

    Alors qu’il se promène seul dans ses bois, Renaud de Morlange est furieux d’y découvrir un ermite.

    L’ermite demande à Renaud de Morlange de faire pénitence et de se repentir de toute sa méchanceté.

    Le seigneur ne veut rien entendre et maltraite le vieil homme.

    C’est alors que l’ermite lance une malédiction sur Renaud De Morlange :

    «  Désormais, chaque mois, à la nouvelle lune, tu vivras une nuit sous la forme d’un renard, tout en gardant ton esprit humain. Et cela, jusqu’à ce que tu aies fait pénitence ! »

    Et disparaît en se transformant en pierre.

     

    Le seigneur est obsédé par les paroles de l’ermite même s’il ne veut pas y croire. Le soir il organise une grande fête au château. Mais malgré le monde et le bruit, il ne peut oublier. La tête lui tourne et il part en pleine nuit dans la forêt, comme attiré vers la source de la Lenderre.

    Il y plonge et ressort transformé en goupil.

    Toute la nuit il parcourt la forêt mal habitué à son nouveau corps d’animal, découvrant un monde étrange et effrayant. Au matin, il retrouve son corps d’homme plutôt content en fin de compte de cette expérience

     

    Un mois plus tard, Renaud-renard se rend à nouveau à la source bien décidé à améliorer sa transformation, débarrassé de la crainte de la première fois. Il apprend les lois de la forêt et des bêtes mais découvre aussi que ses paysans braconnent sur ses terres. Redevenu homme et furieux de sa découverte il abat sa colère sur le village.

    Ainsi à chaque lune, Renaud devient renard. Il prend goût à ses transformations qui lui donnent encore plus de pouvoir, mais bientôt sa femme, la comtesse Mathilde se doute de quelque chose.

    Inquiète, la comtesse Mathilde décide donc à la cinquième lune de suivre son mari. Arrivée près de la source, elle voit donc son mari plonger dans les eaux et en ressortir transformé en goupil. D’abord effrayée, elle décide ensuite de se venger de son cruel mari et s’enfuit en emportant ses habits.

    A l’aurore, le seigneur de retour à la source ne trouve plus ses vêtements et flairant l’odeur de sa femme, comprend qu’elle l’a trahi.

    Privé de ses habits, il est condamné a errer changé en renard, il tente de regagner le château mais se fait repousser par les flèches des soldats, tentant de se réfugier à l’église, ce sont les moines qui le chassent, désespéré il part à la recherche de l’ermite, le seul à pouvoir lever la malédiction mais ne trouve que sa statue.

    Inquiète, la comtesse Mathilde décide donc à la cinquième lune de suivre son mari. Arrivée près de la source, elle voit donc son mari plonger dans les eaux et en ressortir transformé en goupil. D’abord effrayée, elle décide ensuite de se venger de son cruel mari et s’enfuit en emportant ses habits.

    A l’aurore, le seigneur de retour à la source ne trouve plus ses vêtements et flairant l’odeur de sa femme, comprend qu’elle l’a trahi.

    Affamé, il doit maintenant survivre dans la forêt et échapper à tous ses dangers. C’est alors qu’il rencontre une renarde qui devient sa compagne et avec qui il décide d’être bon pour racheter la méchanceté dont il a fait preuve avec sa femme. Cependant, un renard bien plus puissant que lui, décide de lui prendre la femelle et les terres sur lesquelles il s’est installé. Malgré un courageux combat, Renaud-renard est obligé de céder et s’enfuit, se retrouvant seul à nouveau, comprenant que la malédiction n’est pas près de se lever.

     

    Renaud-Renard se retrouve seul. Exclu de la vie des hommes, les animaux ne lui font pas bon accueil et il erre à travers bois. Maladroit il n’arrive pas à chasser et dépérit chaque jour un peu plus. Trop de souffrances l’accablant, il décide de se laisser mourir. Il repense alors à sa vie d’homme et regrette tout le mal qu’il a fait comprenant la cruauté dont il a fait preuve et se repent de tant de méchanceté. Soudain une harde de jeunes renards, eux aussi des goupils rejetés de terre en terre, surgit. D’abord effrayé, il décide ensuite de se joindre à eux et très vite grâce à son intelligence il parvient à devenir leur chef. Plus tard aux portes du village attirée par les odeurs d’un festin, la horde de renards est prête à attaquer.

    Renaud-Renard lui, se rappelle sa vie passée et à nouveau demande pardon pour sa cruauté. Un autre renard, voyant sa faiblesse prend le commandement de la troupe mais c’est alors que retentissent le son d’un cor et les aboiements de chiens de chasse.

    Le duc de Lorraine dirigeant une meute de chiens se met à la poursuite de la horde de renards. Très vite Renaud-Renard se retrouve seul avec à ses trousses la meute de chiens enragés. Une terrible poursuite à travers la campagne puis la forêt s’engage. Renaud donne toutes ses forces mais bientôt, le voilà pris au piège, encerclé par les chiens et face au Duc prêt à le transpercer de sa lance. Dans un dernier effort, Renaud-Renard se relève alors pour affronter son adversaire et mourir dignement.




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  • Elles sont constituées d’un écusson jaune, coupé en diagonale par une bande rouge, sur laquelle sont représentés trois oisillons, les ailes étendues, sans bec ni pattes. C’est ainsi que l’on traduit le langage héraldique : « écusson d’or à la bande de gueules chargées de trois alérions d’argent ».

    Le blason de la ville de Nancy est coupé horizontalement dans son milieu. Dans la partie supérieure, figurent les armes de Lorraine Dans la partie inférieure, couleur d’argent, s’épanouit un gros chardon « aux feuilles piquantes et à la fleur purpurine ». Le tout porte cette devise altière :

    « Nec inultus premor », c’est-à-dire, en traduction très libre : « qui s’y frotte, s’y pique ».

    Les trois alérions ne figuraient pas sur la bande rouge.

    Voici en quelle circonstance légendaire, ces trois oiseaux prirent place sur le blason de notre province :

    Stanislas, le bon duc, s’employait activement depuis son arrivée en Lorraine à l’embellissement de sa chère ville de Nancy. Déjà, les grilles d’or de Jean Lamour, les fontaines de Vénus et de Neptune ornaient la Place Royale, ainsi appelée en l’honneur de Louis XV D »déjà, les portes monumentales de la cité étaient achevées, car Stanislas, pour se consoler des malheurs de sa Pologne, avait décidé de faire de Nancy une ville superbe, digne de lui.

    Mais il s’aperçut un jour que l’écusson de Nancy ne figurait pas sur la cathédrale. Il résolut de combler immédiatement cette lacune et de faire appel au talent du plus habile peintre lorrain.

    Le chez d’œuvre était presque terminé. Le chardon se détachait nettement, vert tendre sur fond blanc et de loin on aurait pu le croire réel, tant il était reproduit avec art. Il en restait plus qu’une dernière couche de peinture à donner pour parachever l’ouvrage, et, comme Stanislas était très méticuleux, il surveillait lui-même l’exécution de ce travail.

    Or, on était en hiver et le peintre devait souvent interrompre sa besogne, car le froid rendait ses doigts gourds. Il descendait alors de son échelle et le duc s’entretenait familièrement avec lui, commentant l’œuvre au milieu d’une foule de curieux et de badauds.

    Un rouge-gorge sui habitait le quartier de la cathédrale bâtit vivement des ailes autour du bel écusson, poussant de petits cris joyeux en admirant le superbe chardon, mais comme il n’avait pas faim, il jugea inutile d’aller voir de près s’il n’y avait pas quelque graine à becqueter.

    Pendant qu’il voletait au-dessus du jardin public de Nancy la pépinière, il aperçut grelottant sous la branche enneigée d’un buisson, trois chardonnerets qui mourraient de faim et de froid.

    Dans un élan de générosité il pensa au superbe chardon et leur indiqua l’endroit.

    Alors les trois chardonnerets avec espoir se rendirent au lieu indiqué, ils aperçurent le superbe chardon.

    Fous de joie, ils se précipitèrent, mais comme ils s’étaient un peu trop pressés et qu’ils avaient mal calculé leur élan, ils vinrent se heurter brutalement contre la bande rouge de l’écusson, encore toute fraîche.

    Hélas ! Leurs plumes délicates s’engluèrent dans la peinture et les trois pauvres bestioles, n’ayant plus assez de force pour se dégager, restèrent collées contre l’écusson.

    Sur le parvis de la cathédrale, le bon duc Stanislas assistait, surpris et émerveillé, à l’événement. Il donna aussitôt à son peintre l’ordre d’aller détacher les trois oiseaux prisonniers et décida que, pour garder le souvenir de cet étrange incident, els trois oiseaux seraient désormais représentés sur le blason de Lorraine.

    Enfin, c’est grâce à cet événement que le chardonneret est devenu l’oiseau national de la Lorraine.




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  • De toutes les fées qui vivaient dans la région de Gérardmer, Polybotte était la plus puissante et la plus redoutée.

    Elle habitait la montagne de Naymont dans une grotte au cœur de la forêt de Martimpré.

    Elle avait mauvaise réputation, car sa méchanceté s’était exercée à plusieurs reprises aux dépens des paisibles Gérômois. Sa laideur physique était proverbiale. Aussi était il rare qu’un habitant, à la recherche de bois mort, osât se hasarder dans les parages de la grotte qui était , affirmait on, le vestibule de son palais.

     

    Or, un jour, un noble chevalier qui accompagnait le Duc de Lorraine à une chasse à l’ours dans les environs de Gérardmer, s’égara dans l’immense forêt.

    A la nuit tombante, fatigué, son cheval fourbu, il avisa une anfractuosité de roc qui lui sembla un abri suffisant pour passer la nuit. Il décida donc de s’y reposer, avant de rejoindre ses compagnons le lendemain. Mais c’était la grotte de la redoutable fée Polybotte.

     

    A peine le chevalier avait il franchi le seuil, qu’il se vit soudain enveloppé d’une éblouissante clarté. Dans le fond de la grotte, les rochers semblaient s’entrouvrir sur une salle immense, aux resplendissants murs de cristal. Le sol était recouvert d’un gazon coupé ras, où l’on apercevait des fleurs splendides qui embaumaient l’air d’un parfum capiteux et ensorcellent. Une musique vaporeuse, irréelle, paraissait jaillir des profondeurs de l’antre, sans que l’on pu distinguer les musiciens.

     

    Surpris, le chevalier s’arrêta et, se passant la main sur les yeux :

    - Par le Diable et par l’Enfer, je ne rêve pas! Mais où suis je donc ?

    Mais il était très brave et résolument, il avança.

    Alors il vit venir à lui une vieille dame très grande qui portait sur le front un diadème orné de pierres, plus précieuses les une que les autres. Elle était entourée de nains, d’elfes et de sotrés qui formait un cortège enchanteur.

    De sa voix douce et légere, elle invita le chevalier à devenir son hôte pour la nuit.

    Cette dame, c’était Polybotte …

    Le chevalier accepta son hospitalité, conscient qu’il allait certainement vivre une expérience hors du commun.

    Polybotte lui indiqua une couche de fleurs fraîches sur laquelle il s’allongea. Puis les elfes et les nains, dansant et chantant, lui servirent comme ils l’auraient fait à un Dieu, des mets succulents et des boissons merveilleuses.

    Mais le temps défilait et le chevalier commençait à penser qu’il devrait rentrer bientôt.

    Face à lui, Polybotte le regardait étrangement, ses yeux brillaient. Elle déployait tous les stratagèmes imaginables pour ranimer la conversation. Et faire naître l’amour car elle avait trouvé sa moitié , elle en était sûre.

    Le chevalier compris et se sentit soudain mal à l’aise. La fée, aux premiers abords était attiante par sa gentillesse et sa richesse. Mais son charme était inexistant, elle était laide et son visage était couvert de rides aussi profondes que le sont les vallées de la montagne.

    - Noble chevalier, l’aube va bientôt poindre derrière les grands sapins. Votre départ me rend triste car, malgré ma puissance, je m’ennuie et j’aurais besoin de votre amour si vous consentez à m’en donner.

    - Noble Dame, vous êtes merveilleuse et c’était un cadeau inespéré que de vous rencontrer. Mais ma femme et tous mes compagnons m’attendent dans mon château. Je ne puis les abandonner…

    - Comment cette vie aussi misérable que celle que tu menes peut t’attirer ? Je t’aurais pourtant offert bien du bonheur…

    Mais si tel est ton désir, alors va, mais prends garde à toi car le bise du matin est glaciale en cette saison…

    Sa voix était menaçante et son visage s’était fait plus rude. Le pauvre chevalier en frissonna d’horreur.

     

    Déterminé à quitter les lieux sans plus tarder, il se leva et s’approcha de l’entrée de la grotte.

    Brusquement, un énorme bloc de glace se détacha de la paroi rocheuse et l’emprisonna tout entier et à jamais…

     

    Aujourd’hui encore, lorsque l’on s’aventure dans les bois près de Gérardmer, on peut voir, dans la fente de Kertoff, de la glace à n’importe quels moments de l’année. Alors, si vous passez par là, ne vous laissez pas prendre au piège ...




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  • Parmi tous les princes qui se sont succédé à la tête de l’ancien duché de Lorraine, c’est le duc Ferri III qui a laissé dans l’histoire, le souvenir le plus vivace. Ferri III régnait sur la Lorraine vers le milieu du XIIIè siècle.

    C’était un homme réputé pour sa justice, sa bonté, son exquise charité. Le peuple le tenait en profonde affection, car il avait été le premier à octroyer en Lorraine des chartes de franchise aux petites cités, à rabaisser les privilèges des seigneurs, ses vassaux, sur lesquels sa puissance s’était fait particulièrement sentir. Ceux-ci le craignaient ; beaucoup le haïssaient secrètement, car les mesures qu’il avait prises en faveur du peuple réduisaient leurs pouvoir et étaient ressenties comme autant d’humiliations.

    A deux lieues de Nancy, au château de Maxéville, vivait alors le comte Adrien des Armoises. Plus que tous les autres vassaux, celui-ci était animé contre son suzerain d’une haine irréductible. A plusieurs reprises, la justice de Ferri III avait dû sévir contre ses exactions et le voisinage avait achevé d’exaspérer les rapports des deux hommes.

    Or, un jour, Ferri III, escorté d’un seul écuyer, chassait dans la profonde forêt de Haye. Comme le soir tombait, le duc reprit le chemin de son palais de Nancy. Sans méfiance, l’âme en paix, il chevauchait en devisant joyeusement avec son écuyer.

    Soudain, son cheval trébucha dans une corde qui était été perfidement tendue en travers du sentier. Désarçonné, le duc perdit l’équilibre et s’abattit lourdement sur le sol.

    Au même instant, dix hommes, le visage caché sous un masque, se précipitèrent sur lui, et, avant qu’il ait eu le temps d’esquisser un seul geste pour sa défense, il se trouva bâillonné, ligoté solidement, la tête enveloppée dans un épais voile noir. Son écuyer vola à son secours ; mais le malheureux périt, accablé sous les coups.

    Puis, sans perdre une seconde, les mystérieux agresseurs emportèrent leur prisonnier, qui se débattait en vain sous ses liens, et le jetèrent brutalement dans un char posté à quelques pas du lieu de l’embuscade.

    Et aussitôt, les chevaux démarrèrent dans un galop d’enfer.

    Pendant des heures et des heures, le véhicule roula à vive allure. De temps en temps, il s’arrêtait ; mais c’était seulement parce qu’il fallait changer les chevaux, et, après ce court arrêt, la cadence effrénée reprenait de plus belle sans jamais se ralentir.

    Enfermé dans la mystérieuse voiture, le duc tentait vainement de desserrer ses liens, d’enlever le voile qui lui couvrait les yeux. Ses efforts rageurs demeuraient hélas inutiles. Il était surtout angoissé à l’idée qu’il ignorait où ses ravisseurs le transportaient. Il était persuadé que c’était bien loin, certainement en dehors de ses états.

    Car le mystérieux véhicule roulait toujours, au même galop qui ne faiblissait pas Pendant toute la nuit et tout le jour suivant, l’effroyable voyage se poursuivit, coupé seulement de très brèves haltes.

    Enfin, vers le soir, l’attelage sembla soudain modérer son allure. Au bruit des roues sur des pavés, le duc comprit qu’on entrait dans une ville ou dans un château fort.

    Peu d’instants après, en effet, le char s’immobilisa.

    Alors, des bras invisibles tirèrent le duc de sa prison roulante. Il se sentit transporté à travers des couloirs, des salles, des escaliers dont la fraîcheur le fit frissonner ; des portes grincèrent sinistrement.

    Enfin, on le déposa sur le sol ; on desserra légèrement ses liens et, sans avoir prononcé une seule parole, les ravisseurs s’enfuirent. Une lourde porte claqua sur ses gonds ; un verrou gémit ; des pas résonnèrent encore ; puis ce fut le silence.

    Au prix de cruels efforts, le duc Ferri III réussit enfin à se défaire complètement des cordes qui meurtrissaient sa chair. Il retira le voile qui l’aveuglait.

    Alors, sa dramatique situation se révéla à lui dan toute son horreur Le duc de Lorraine se vit au fond d’une tour carrée, haute de quinze coudées au moins, éclairées par une unique fenêtre, étroite, placée très haut, près de la toiture. Dans un coin avaient été placés à son intention un misérable grabat, une cruche d’eau et une miche de pain.

    Le bon duc s’abîma dans un profond désespoir. Mais ce qui exaspérait sa douleur, c’était qu’il ne savait absolument pas en quel lieu il se trouvait et aux mains de quels ennemis il était tombé.

    Inutile de décrire sa misérable existence au fond de ce sinistre cachot.

    Il ne voyait jamais personne, pas même la main du geôlier qui lui apportait chaque jour sa nourriture à travers un double guichet.

    Les jours, les semaines, les mois et même les années s’écoulèrent.

    Le duc, dans son chagrin, crut qu’il allait sombrer dans la folie.

    Rares étaient les bruits qui lui parvenaient du dehors. Parfois, il entendait des cloches qui lui semblaient être celles de sa bonne ville de Nancy. Mais comme il se croyait enfermé à cent lieues de sa capitale, il était persuadé qu’il s’agissait d’hallucinations auxquelles il eût été dangereux de s’abandonner.

    Pendant ce temps, que devenaient son épouse, la duchesse Marguerite, et ses enfants, privés de soutien et de défense ? Qu’était-il arrivé à son palais, sans doute pillé, à sa ville de Nancy, peut-être brûlée, à son bon peuple, réduit en esclavage ? Le duc Ferri III n’osait agiter ces torturantes questions.

    Or, un matin, comme il était plongé dans un sommeil proche de l’agonie, il entendit soudain au-dessus de lui un grand bruit Contre la toiture de son cachot étaient frappés des coups violents, que l’écho amplifiait étrangement. Parfois, un chant s’élevait nettement perceptible entre les coups, bizarre et mélancolique.

    Le duc sursauta Ses dernières forces, usées par ses longs malheurs, se réveillèrent Le cœur palpitant, il tendit l’oreille. N’étai-ce pas une hallucination ? En effet, il semblait au duc de Lorraine que son propre nom était mêlé aux paroles de la chanson.

    Mais un rayon de lumière jaillit dans la tour obscure, puis s’agrandit, s’élargit. Enfin, un homme apparut, juché sur une poutre maîtresse de la toiture.

    Leduc Ferri III se dressa, évitant les tuiles et les gravats, qui tombaient et se brisaient sur le sol, haletant, bouleversé par l’émotion.

    En haut, l’homme l’aperçut :

    -        
    Ah ! par exemple, grommela-t-il, on ne m’avait pas dit qu’il y avait quelqu’un là-dedans !

    Il arrêta son travail.

    -        
    Eh ! là-bas, qu’est-ce que tu fais là ? cria-t-il.

    -         Et toi ? articula le prisonnier, qui retrouvait enfin l’usage de la parole.

    -        
    Moi ?... Je suis Jean, le couvreur. Je répare des toitures. Et dieu merci, l’ouvrage ne manque pas. Mais, toi ?...

    -        
    Moi ?... Mais les mots s’étranglèrent dans sa gorge.

    -         Te voilà dans un piètre état ! Qu’est-ce donc que tu as fait pour être ici ?

    -        
    Moi… Je suis Ferri, duc de Loraine, troisième de ce nom. Où suis-je ?

    -        
    Ah ! non, répliqua le couvreur, il ne faut pas me conter d’histoire. D’ailleurs, sais-tu bien ce que je chantais tantôt ?... Eh bien ! je chantais la complainte du duc Ferri, parti de son duché pour suivre une belle dame qu’il aimait.

    -        
    Par Saint Nicolas, supplia le prisonnier, ne plaisante pas ! Dis-mois donc, je te prie, où je suis.

    -         Puisque tu insistes, je peux te le dire : tu es à Maxéville, chez le sire des Armoises.

    A ce nom, le duc frémit de colère. En un éclair, il mesura toute la ruse dont il avait été victime. Pour lui donner le change, la voiture qui l’emportait avait tourné en rond dans la forêt de Haye pendant une nuit et un jour.

    Pris de pitié, Jean, le couvreur, devint soudain très grave.

    -      
    Si tu es vraiment le duc de Loraine, dit-il, peux-tu me le prouver ?

    - Tiens voici mon sceau. Tu verras bien si je mens.

    De plus en plus intrigué, le couvreur déroula un fil auquel le duc attacha sa précieuse bague. Alors, quand l’ouvrier, après avoir retiré le fil tint le sceau de Loraine entre ses doigts, tremblant, il s’écria :

    -        
    Par Saint Gabriel, c’était donc vrai !... Monseigneur, mes humbles excuses de ne vous avoir pas cru sur parole.

    -        
    Ecoute, dit le duc, dis-moi maintenant ce qu’est devenue la duchesse, mon épouse.

    -        
    Monseigneur, reprit avec respect le couvreur, la duchesse Marquetiez est toujours à Nancy. Grâce au Sire de Tillon, elle a réussi à tenir tête à une révolte de vos vassaux Elle n’a pas cessé de pleurer votre disparition.

    -        
    Je vois que ton cœur est resté fidèle à la maison de Lorraine. Va porter cet anneau à la duchesse Marguerite. Dis-lui où je me trouve enfermé. Elle agira en femme avisée pour le tirer de là. Et tu sais aussi que le duc de Lorraine n’est pas un ingrat.

    -        
    Oui sire. J’y cours. Au diable, la toiture des Armoises !

    Quelques jours plus tard, une puissante armée lorraine se présenta devant le château de Maxéville. A sa tête, brandissant bien haut l’étendard rouge et or, chevauchait le sire de Tillon. Il se dirigea droit vers le pont-levis et demanda à parler immédiatement au seigneur des Armoises.

    Plein d’appréhension, le félon apparut bientôt sur le chemin de ronde.

    Alors, tandis que l’armée ducale cernait complètement le château, le sire de Tillon lui adresse cette proclamation :

    -        
    Au nom de la très haute et très nombre dame de Lorraine, Marguerite, moi, Nicolas de Tillon, je t’ordonne de remettre sur le champ en liberté le puissant duc Ferri, troisième de son nom, qui est mon maître et le tien, et que tu retiens prisonnier par trahison et félonie. Et si, pour ton malheur, tu tardais à exécuter cet ordre, ton château serait immédiatement rasé, toi et tes gens passés au fil de l’épée.

    Une immense clameur salua la fin de ce discours. Toute l’armée lorraine poussait son cri de guerre,

    Le sire des Armoises comprit, la rage au cœur, que la partie était trop forte pour lui. Jamais, il ne pourrait résister aux puissantes machines de guerre que es soldats manœuvraient sous les murs de son château.

    Il fit donc baisser le pont-levis.

    Les soldats du sire de Tillon se précipitèrent aussitôt et ils eurent vite fait de tirer le malheureux duc de son cachot.

    Celui-ci, pleurant de joie, retrouva sa courageuse épouse, qui avait tenu à venir personnellement avec l’armée, et, sous les acclamations enthousiastes de tous ses soldats, il l’embrassa longuement.*Puis, ce fut le retour triomphal jusqu’à Nancy.

    Mais une fois les premiers moments d’effusion passés, Ferri III dit aux gens de sa suite :

    -        
    Où est donc <Jean, le couvreur, celui qui a porté la bonne nouvelle ? Qu’on aille me le chercher bien vite.

    Peu de temps après, l’ouvrier arriva au palais rouge de confusion mais aussi de fierté.

    -        
    Ah ! voici notre ami Jean, le couvreur, dit le duc en l’apercevant Viens ici mon ami.

    Puis, se tournant vers l’assistance, il ajouta d’un ton solennel :

    -        
    Messieurs, voici l’artisan de ma libération. Il a nom Jean, le couvreur Désormais, il s’appellera Jean de Hautoy, puisque c’est du haut du toit qu’il m’a apporté la liberté. Messire Jean du Hautoy, embrassez le duc. Et je vous donne en fief la moitié des biens du sire des Armoises.


    Tous les gentilshommes présents approuvèrent chaleureusement cette juste récompense, puis, pendant une semaine, Nancy et tout le duché de Lorraine furent en liesse pour fêter le retour de leur duc bien-aimé.






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