• Contes et légendes de Lorraine - Le Houeran

    Le Houeran, monstre imaginaire dont le nom, emprunté au patois, signifie crieur, hantait le sud des Hautes-Vosges. Il se tenait de préférence sur le Haut-du-Roc, montagne dénudée qui domine le bassin de la Moselotte, ou sur les rochers d'Urbain-Roche, au-dessus de Rochesson. Quelquefois, on l'entendait au Saint-Mont, ou en face, près de Dommartin, sur le mont qui s'élève entre la vallée de la Moselle et celle de la Moselotte, non loin du confluent des deux rivières. Il fréquentait aussi le val de Cleurie, et allait même jusqu'à Tendon. Il affectionnait les hauteurs, d'où il pouvait voir, de son œil perçant, ce qui se passait dans les montagnes et les vallées des environs, et contrôlait ainsi le territoire d'une vingtaine de communes.

    Ses cris stridents: «Houe! hou hou hou! houe! hou hou hou houe ! » effrayaient surtout les ouvriers de la foret, et plus spécialement les voleurs de bois. Ces derniers opéraient généralement de nuit. Sitôt arrivés sur les lieux, ils allumaient un grand feu dans une clairière, et se mettaient à abattre les arbres de leur choix. Il n'était pas rare, alors, que le Houeran, guidé par la lueur du brasier, ne surgît dans la «coupe » en poussant ses cris lugubres.

    Ceux qui l'ont vu le décrivaient ainsi: « D'une taille de géant, la barbe longue et hirsute, les yeux flamboyants, les jambes sèches et torses comme celles d'un bouc, il portait un large chapeau noir à bords rabattus, et son postérieur était une tête de bouc dont les deux cornes lui servaient pour s'asseoir près du feu. Il prenait dans ses mains des tisons ardents, sans se brûler». A son approche, les délinquants s'enfuyaient à toutes jambes, car ils craignaient moins les gardes des forêts qu'ils ne redoutaient le Houeran, fantastique, cousin du diable, des sorciers, des chasseurs maudits et autres mauvaises engeances.

    Ce monstre, dont il semble que le rôle consistait uniquement à épouvanter les chapardeurs de bois, était sans doute l'ingénieux travestissement de quelque gardien de la forêt ayant compris que la peur d'un être horrible et mystérieux serait plus forte que celle du «gendarme», pour protéger les bois des nombreuses déprédations qui s'y commettaient. Les cris effrayants provenaient tantôt des grands-ducs et autres oiseaux nocturnes, tantôt du garde lui-même, expert dans l'art d'imiter la voix de ces volatiles.

    Bibl.: Bammert, p. 90 ; Godat, que cite Seignolles ; Pierrot, Le Diable, Il, 48-49; Seignolles, pp. 168-169, qui cite Godat ; Thiriat, Cleurie, pp. 355-356.




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