• On dit qu'il y avait dans un village une petite calebasse qui tuait tout le monde, hommes et animaux. Une brebis pleine réussit à s'enfuir, se cache sous un rocher et met bas un jeune bélier. Celui-ci grandit et demande à sa mère de sortir de leur refuge. "Nous serons tués, dit la brebis. - Non, répond son petit, car je suis devenu grand."  Alors la mère lui dit: "Donne un coup de tête dans le rocher." Le bélier frappe la pierre à plusieurs reprises, mais ne parvient qu'à l'ébrécher. Sa mère alors lui conseille de se reposer et ils attendent ainsi pendant un an.

    Le petit dit ensuite: "Maintenant, je suis grand" et de nouveau il donne un coup de tête dans la roche et la brise. Puis ils sortent ensemble.

    La calebasse arrive et dit: "Comment! J'ai tué tout le monde, d'où viennent ces deux-là?" et, s'adressant au bélier, elle le provoque à un combat. L'autre accepte, ils se battent et le bélier brise la calebasse d'un coup de tête. Alors des hommes innombrables sortirent de la calebasse et c'est pourquoi on trouve des hommes partout.

    Référence. G.Thomann, Essai de manuel de la langue néouolée, Paris, 1905, p.144-145.


     

     


     


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  • Le mythe représente le cycle du soleil. La Déesse Lointaine est une impétueuse lionne incarnant l'aspect terrible du soleil estival qui semble arriver du Sud, s'élevant au-dessus de l'horizon au fur et à mesure de l'avancée du solstice d'été, mais elle incarne aussi l'aspect bénéfique du soleil hivernal semblant s'affaiblir alors qu'il s'éloigne vers le Sud au cours du solstice d'hiver. La déesse Lointaine est la fille du Soleil ; sous les traits de Tefnout (qui est l'une de ses principales personnifications ; parfois, elle se présente aussi sous les traits de Sekhmet), elle abandonne son père pour fuir dans le désert oriental en Nubie. C'est là une référence à la morsure du soleil que les caravanes se dirigeant vers les carrières et les mines ne connaissent que trop bien. Dans le désert, la déesse sous forme de lionne, donne libre cours à sa férocité. Râ, qui a besoin d'elle sous son aspect guerrier, souhaite son retour. Onouris, Shou et Thot sont alors envoyés sur place, sur l'aspect de singes. Ils lui racontent des histoires envoûtantes, dont le récit de l'accueil triomphal qu'elle recevrait si elle revenait en Egypte. Elle accepte de rentrer, mais conserve les traits de la Déesse Dangereuse, de la puissance destructrice sauvage : il est donc indispensable de l'apaiser. Thot verse du vin dans les eaux de la première Cataracte, à Philae ; la déesse, pensant qu'il s'agit de sang, s'en abreuve, s'enivre et s'apaise. A son réveil, elle présente les traits bienveillants d'une chatte, la déesse Bastet ; elle est accueillie avec fêtes et honneurs en Egypte. Dans d'autres versions, elle est plongée de force par Thot, dans les eaux de la première cataracte. De fait, elle précède de peu l'inondation - aspect tardif de la déesse - car dans cette phase, le parcours du soleil et associé au cycle du Nil. Le mythe se rapporte donc à l'inondation annuelle du Nil dont les eaux tumultueuses et rougies par la terre ferrugineuse des hauts plateaux Abyssins se calment à leur entrée en Égypte et répandent leurs bienfaits sur tout le pays.



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  • Le seigneur Râ habitait un magnifique palais, avec des hauts obélisques des sphinx à têtes de béliers et de lions.

     

    Râ, le soleil, lorsqu’il ouvre sa paupière le matin, c’est l’aube et le jour ; lorsqu’il la ferme, ce sont les ténèbres et la nuit. C’est lui, l’épervier doré, qui place dans le ciel.

     

    Chaque matin, il est reçu par les deux divinités de l’est. Lorsqu’il prend un bain c’est la fille d’Anubis, la déesse « fraîcheur »  qui arrive avec ses quatre cruches et Horus qui lui frotte les chairs et Thot qui essuie ses jambes.

     

    Lorsqu’il veut sortir il prend la barque divine amarrée au bord du Nil avec les dieux qui l’escortent. C’est une barque sans rames, ni voile, ni gouvernail ; elle glisse sur les eaux.

     

    Il poursuit ainsi sa course autour du monde, dallant de l’orient jusqu’à l’extrémité sud de la Terre ; à midi, une autre embarcation l’emporte vers l’Amanti (l’enfer chez les égyptiens).

     

    Quittant la terre, il pénètre dans cette région nocturne par la porte des couloirs, étroite fente qui coupe la montagne en deux : il est dans l’autre monde.

     

    Il navigue toujours le long d’un grand fleuve, dont la vallée est divisée en douze zones par des murs et des portes.

     

    A chacune des douze heures de la nuit, la barque solaire passe d’une zone à l’autre.

     

    A la sixième heure elle franchit la frontière nord du monde invisible et revient vers la porte sacrée qui mène aux jardins d’Ialou où elle arrive à la septième heure.

     

    Il flotte sans bruit sur le fleuve nocturne (c’est la durée de ce voyage que l’on appelle la nuit).

     

    Il franchit la porte d’Ialou avec le monde des vivants ; cette porte est splendide et d’une couleur éclatante comme l’aurore.

     

    Souvent le serpent gigantesque Api mangeur de berges à l’appétit féroce dont il faut apaiser sa faim se dresse sur le chemin du Dieu Râ et lui barre le passage : et à ce moment les hommes voient le soleil s’obscurcir et disparaître.

     

    Pour le faire retourner dans son abîme il faut faire du bruit, crier, jouer bruyamment de la musique… Le soleil réapparaît et c’est chaque fois que cette scène se reproduit que l’on parle d’une éclipse du soleil.

     

    Chaque jour Râ embarquait le matin pour sa course habituelle autour du monde et rentrait douze heures plus tard. A chaque heure où il se trouvait, il réglait les problèmes des hommes.

    Il ne conservait pour lui-même qu’un seul de ces talismans, le nom que son père et sa mère lui avaient imposé à l’heure de sa naissance, mais il ne devait le révéler à personne.

     

    La vieillesse eut prise sur lui, Isis qui était une simple servante du Pharaon, habile en paroles conçut le projet de lui dérober son secret.

     

    Elle imagina le plus ingénieux des stratagèmes. Lorsqu’un homme ou un Dieu était malade, la seule chance de le guérir était de connaître son nom caché, son nom véritable et d’adjurer en ce nom l’être méchant qui le tourmentait et qui était la cause de sa maladie.

    Isis

     

    Elle ramassa de la boue imprégnée de la base divine, la pétrit de ses mains habiles et lui donna la forme d’un serpent sacré, puis elle l’enfouit dans la poussière du chemin et l’anima en récitant sur lui la formule magique qui donne vie aux choses inanimées.

     

    Un matin lors de sa tournée habituelle, Râ fut mordu au talon, il souffrait et eut des convulsions il dit :

     

    - J’ai é té piqué par quelque chose qui est entré en moi et que ma main n’a pas créé comme toutes les autres créatures, elle ne ressemble à rien de ce que j’ai fabriqué.

     

    Un à un les dieux essayèrent de le guérir, en vain.

    Isis lui dit :

    - Je sais ce qui t’arrive, tu as été piqué par un serpent, je peux tuer ton ennemi par des incantations bienfaisantes et je le forcerai à battre en retraite à la vue de tes rayons.

     

    Isis lui offrit ses soins et lui proposa de réciter l’incantation, mais qu’il fallait introduire dans la formule ce nom mystérieux qu’il ne voulait pas dire : « dis-moi ton nom, ô Père divin, car tu sas que les charmes n’opèrent que si j’invoque ton nom secret ».

     

    Râ soupçonna vaguement un pièce, il énuméra complaisamment tous ses titres, tous les noms qu’on lui donne : Hhepri le matin, Râ à mide, Toumou le soir ou encore Atoumi.

     

    - J’ai beaucoup de noms, car je suis celui qui a créé le ciel et la terre. Je suis celui qui en ouvrant les yeux produit la lumière.

     

    Isis continua à insister.

     

    - Mon nom secret, mon père et ma mère me l’ont donné, il est caché dans mon corps depuis ma naissance afin que nul ne s’en serve contre moi.

    Et pour continuer à tromper Isis il énuméra encore d’autres noms.

     

    Isis ne fut pas dupe, elle essaya les noms que Râ lui avait donné, mais en vain, le venin de la base sacrée continuait à envahir Râ ; la souffrance augmentait sans cesse.

     

    - Aucun nom que tu m’as donné ne te guéri, le charme ne peut agir que si on appelle le malade de son seul, de son vrai nom, dit-elle.

     

    Râ vaincu par la douleur  lui dit :

    - Mon nom passera de mon corps dans son corps, je consens à ce que tu fouilles en moi, ô mère Isis, que mon nom passe de mon sein dans ton sein.

     

    Elle lui ouvrit la poitrine et son cœur lui livra son secret. Isis connut son nom. Elle prononça la formule correctement en y introduisant le nom véritable de Râ et le venin fut conjuré.

     

    Mais Isis maintenant connaissait le secret de son pouvoir et elle se fit déesse sans tarder.

     

    Râ vieillissait de plus en plus, il décida de convoquer tous les Dieux Shou, Tafnout, Sibou… Ils se rangèrent en cercle autour du trône…

     

    Râ était décidé à abandonner ce royaume. Il dit :

     

    -Mes membres sont décrépits, je connais la faiblesse, je veux cacher l’humiliation de ma vieillesse, mais je veux aller dans un endroit où nul ne pourra m’atteindre.

     

    Il fallait donc trouver pour lui donner asile une retraite inaccessible, difficile à découvrir dans un univers encore mal organisé et imparfait. Nout pensa que le fils de Râ, Shou, pourrait occuper le trône de son père et gouverner les hommes avec l’énergie d’un jeune dieu. Elle dit :

     

    - Fils Shou, agis pour ton père Râ : il faut accomplir sa volonté. Et toi, Nouît, ma fille, place ton père Râ sur ton dos et tiens-le suspendu au-dessus de la terre.

     

    Nouît docilement obéit et se transforma en vache et plaça la majesté de Râ sur son dos. De son côté Noît se leva, s’arc-bouta sur ses quatre jambes comme une voûte, mais elle plia sous le faix. Elle demanda à être soutenue, sentant ses forces la quitter et ses jambes faiblir.

     

    Alors Râ dit :

     

    - Mon fils Shou, place-toi sous ma fille Nouît pour la soutenir afin qu’elle puisse me porter. Soutiens-là avec ces piliers qui vivent dans le crépuscule, maintiens-la au-dessus de ta tête et sois son pasteur !

     

    Shou obéit et Nouît fut rassurée. Son ventre, allongé en plafond, fut bien appuyé et soutenu par quatre piliers que surveillent Horus, l’épervier, au midi, Sat au nord, Thot à l’ouest et Sapdi à l’est. La voute céleste et l’univers fut muni enfin du ciel où Râ suspendit les étoiles pour éclairer la nuit.

     

    Alors Ra, le dieu tout-puissant s’occupa d’organiser le monde nouveau qu’il découvrait sur le dos de la vache démesurément agrandi. Il y établit sa résidence en deux endroits, dans le Champ des herbes et dans le Champ du repos. Il y vit là, loin de la terre et des hommes, au ciel…

     



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  • Baouefrê se leva pour parler et dit : " Je vais faire que Ta Majesté puisse avoir connaissance d'une autre histoire merveilleuse, qui est arrivée au temps de ton père, le roi Snefrou, juste de voix, et qui fut le fait du prêtre-lecteur en chef Djadjaemankh … quelque chose qui n'était encore jamais arrivé…

    Un jour, le roi Snefrou parcourait toutes les pièces de son palais royal, à la recherche de quelque distraction et ne la trouvait point. Il dit alors : " Allez et amenez jusqu'à moi le prêtre-lecteur en chef, le rédacteur des livres sacrés, Djadjaemankh ". Il lui fut amené sur le champ. Sa Majesté lui dit alors : " J'ai parcouru toutes les pièces du palais royal - qu'il soit vivant, prospère et en bonne santé ! - à la recherche de quelque distraction, et ne l'ai point trouvée. " Djadjaemankh lui répondit : " Que Ta Majesté procède donc vers l'étang du Palais royal. Là, on équipera pour toi une barque avec toutes les jolies filles qui appartiennent aux appartements privés de ton palais. Alors le cœur de Ta Majesté ne cessera de se divertir, tandis que tu les contempleras en train de ramer de ci, de là. Tu pourras voir aussi le bonheur des nids que recèle ton étang, tu verras les champs qui le bordent et ses fourrés heureux ; et ton cœur sera distrait à cause de tout cela ". - (Le roi :) " Je vais assurément organiser une partie de bateau. Que l'on m'apporte vingt rames faites de bois d'ébène et recouvertes d'or ; leurs poignées seront en bois de santal, recouvert d'or fin également. Qu'on amène aussi vingt femmes, dont le corps soit des plus beaux, que soit belle aussi leur poitrine, et bien tressée leur chevelure, des femmes que l'accouchement n'a point encore ouvertes ; qu'on leur donne, en même temps, vingt résilles, après qu'elles auront déposé leurs vêtements. " Et l'on agit conformément à tous les ordres qu'avait prononcés Sa Majesté.

    Les voilà donc qui se mettent à ramer de ci, de là, et le cœur de Sa Majesté était heureux de les voir ainsi. Soudain, l'une d'entre elles, qui était à l'arrière du bateau, se mit à tresser sa natte ; et une boucle d'oreille, en forme de poisson, faite de turquoise neuve, tomba dans l'eau ; alors la jeune fille ne bougea plus, s'arrêtant même de ramer, et ses compagnes de rang firent de même. Sa Majesté dit : " Pourquoi ne ramez-vous plus ? " Elles répondirent : " C'est que notre 'commandant' s'est arrêtée ". Sa Majesté dit alors à celle-ci : " Pourquoi ne veux-tu plus ramer ? " Elle répondit : " Ma boucle d'oreille faite de turquoise neuve est tombée dans l'eau… " Sa Majesté : " Je te la remplacerai ". La jeune fille : " C'est celle-ci que j'aime et non sa semblable ". Sa Majesté dit alors : " Que l'on amène jusqu'à moi le prêtre-lecteur en chef Djadjaemankh " ; il lui fut amené aussitôt. Sa Majesté lui dit : " Djadjaemankh, mon frère, j'ai agi conformément à ce que tu m'as dit, et le cœur de Ma Majesté s'est diverti à contempler ces rameuses. Mais la boucle d'oreille, faite de turquoise neuve, appartenant au 'commandant', est tombée dans l'eau ; celle-ci s'est alors arrêtée, ne voulant plus ramer. Le trouble a gagné ses compagnes de rang. Je lui ai dit : " Pourquoi ne veux-tu plus ramer ? " Elle m'a répondu : " C'est que ma boucle d'oreille faite de turquoise neuve est tombée dans l'eau ". Je lui ai dit : " Rame donc. Vois, je te la remplacerai. Mais elle m'a dit alors qu'elle préférait celle-ci à une autre semblable ".

    Alors le prêtre-lecteur en chef, Djadjaemankh, prononça les formules magiques qui étaient de sa connaissance. Il put alors placer la moitié de l'eau de l'étang sur l'autre moitié et il découvrit la boucle d'oreille gisant sur un fragment de roche ; il la prit et la rendit à sa propriétaire. Quant à l'eau de l'étang, qui mesurait primitivement douze coudées de profondeur en son centre, sa profondeur devint de vingt-quatre coudées après qu'elle eut été renversée (une moitié placée au-dessus de l'autre). Puis Djadjaemankh, à nouveau, prononça les formules magiques de sa connaissance et rétablit l'eau de l'étang en sa situation antérieure.

    Sa Majesté, ensuite, passa un heureux jour en compagnie de toute la maison royale - puisse-t-elle être vivante, prospère et en bonne santé !- et il récompensa le prêtre-lecteur en chef Djadjaemankh au moyen de toutes sortes de belles et bonnes choses.

    Vois, ceci est une histoire merveilleuse qui est arrivée au temps de ton père, le roi de Haute et Basse Égypte, Snefrou, juste de voix, et qui fut le fait du prêtre-lecteur en chef, rédacteur des livres sacrés, Djadjaemankh ".

    Alors la Majesté du roi de Haute et Basse Égypte, Kheops, juste de voix, dit : " Que l'on donne en offrande mille pains, cent cruches de bière, un bœuf et deux mesures d'encens à la Majesté du roi de Haute et Basse Égypte, Snefrou, juste de voix. En même temps, que l'on donne un pain, une cruche de bière et une mesure d'encens au prêtre-lecteur en chef, rédacteur des livres sacrés, Djadjaemankh, car j'ai pu constater un exemple de son savoir magique ". Et l'on agit conformément à tout ce que Sa Majesté avait ordonné. ( Textes sacrés et textes profanes de l'Ancienne Égypte II, Mythes, contes et poésies, Traductions et commentaires par Claire Lalouette et préface de Pierre Grimal p. 175-177).



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  • Un pauvre homme et sa femme n'avaient rien à manger ni à boire, mais ils possédaient un chat et se privaient de tout pour lui. Or, le chat, mécontent, trouvait qu'il manquait de tout. Ce qu'il désirait, c'était de la viande et, bien sûr, on ne pouvait lui en donner. Aussi devenait-il de plus en plus maigre et bientôt il n'eut plus que la peau sur les os. Il était près de mourir.

     

    Un jour qu'il était étendu au soleil devant la maison, il vit juste en face, sur le mur du grand palais, se promener des chats gras et ronds comme des œufs. Le pauvre chat les enviait et désirait de tout son cœur être des leurs :

     

    - Ah, si j'étais là-haut. Si seulement on me donnait à manger ce que j'aime et non pas ce que je déteste. Ah, si je pouvais grimper sur ce mur et entrer dans le palais.

     

    Or, un jour, l'occasion s'en présenta. Le chat sauta sur le mur et entre dans le palais. Seulement, cela n'allant pas sans bruit, les gardes et les soldats accoururent immédiatement. Effrayé, le chat se précipita de-ci de-là, ne sachant où s'enfuir ni où se réfugier. Comme il regrettait son aventure. Il grimpa sur un arbre, mais, vite entouré de tous ces hommes menaçants, il pleura misérablement :

     

    - Si seulement je pouvais me tirer de ce mauvais pas. Un coin dans la cabane de mes vieux maîtres serait le paradis.

     


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  • Pendant mon sommeil je fis un drôle de rêve…

     

    …Un jour un vent de querelle souffla dans la jungle. Les éléphants barrissaient, els serpents filaient comme des flèches dans les fourrés, les tigres sortaient leurs griffes et leurs yeux luisaient comme des éclairs, les ours poussaient de sourds grognements, les chacals aboyaient sans trêve. Les loups sortirent aussi de leurs cavernes en immenses troupeaux et prirent part aux batailles. Les aigles centenaires déchiraient les oiseaux dans le ciel et il pleuvait des débris d’ailes et de sang. Dans toute la jungle, il ne restait ni source pure ni tanière inviolée, ni buisson intact, ni arbre géant dont les racines n’eussent été déterrées, les branches fracassées les feuilles flétries.

     

    Après quarante longs jours et quarante nuits de combats, l’éléphant roi de la forêt, sonna la trompette de la paix. Tous les animaux se réunirent près d’une fontaine. Ce n’tait qu’éléphants boiteux, aux défenses brisées, que lions et tigres au griffes arrachées, en piteux état, qu’ours balafrés et la mine défaite, que serpents à la peau déchiquetée et couverts de bave. La guerre avait été terrible. L’éléphant fit un grand discours et proclama que le monde des animaux devait enfin connaître la paix. Chaque espèce vivrait désormais dans la tranquillité au milieu d’une zone qui lui serait réservée…

     

    La paix proclamée, les herbivores retrouvèrent vite leur nourriture accoutumée mais les grands carnivores s’adaptèrent plus difficilement ; Ce n’tait pas que le régime de fruits et de pousses d’arbres fût malsain, mais une irrésistible envie de chasse et de carnage les saisissait souvent à la vue de ces troupes de petits animaux qui les accompagnaient. Enfin ils se réunirent et décidèrent qu’un tel système de paix absolue ne pouvait durer. Il fallait au moins une espèce sacrifiée, qu’on pourrait chasser impunément et qui vouée à la poursuite et à l’extermination. Tous poussèrent un seul cri :

     

    - Les loups, les loups !

     

    Dans toute la jungle notre race fut proscrite, hurla mon compagnon, et le peuple de la jungle envahit le pays des loups… Quittant cette jungle maudite, la race des loups se réfugia dans les montagnes où elle prêta serment de vengeance, en de longs hurlements.

     

    Quand j’ouvris les yeux, les premières lueurs de l’aurore apparaissaient sur la mer et chassaient la clarté jaunâtre de la lune. Mon cœur était froid et vide. Il me sembla que ce conte vivait en moi depuis de nombreuses années. C’est assez naturel, car les histoires de loup sont de longues histoires…

     


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