• Contes et légendes du Maroc - Le Sultan fou

    Le Sultan Abd-el-Moumème qui régnait sur Fez était un prince cruel et sanguinaire hait de tous. Il avait comme confiant un nain affreux qui s’appelait Arbo.


    Arbo était encore plus méchant que son maître. Un jour l’affreux nain rôdait dans le souk en quête de quelque vilain tour à faire arriva devant l’échoppe de Ghomari, qu’il haïssait parce qu’il était beau et que lui-même était laid ; la fiancée Djeunara travaillait sur un tapis le visage dévoilé, Arbo en l’apercevant fut frappé de saisissement : il ne soupçonnait pas qu’une telle perfection pût appartenir à une créature humaine.


    Les jours suivants, Djeunara trouvait souvent le nain sur son passage. Un jour il l’aborda et lui dit qu’il était riche et disposé à la demander en mariage.


    La jeune fille prit peur et le repoussa, dès lors la soif de la vengeance habita la poitrine d’Arbo.


    Il alla voir le Sultan et lui décrit en détail la beauté de la jeune fille. Le Sultan le chargea de la ramener au palais afin d’en faire une de ses épouses. Avec l’aide des serviteurs il enleva la jeune fille.


    Ghomari devint fou de douleur. L’image de Djeunara le hantait, il se mit à tisser jour et nuit un tapis à l’effigie de sa bien-aimée. Il l’avait représentée debout, le visage dévoilé, les yeux chargés de haine, avec un poignard levé comme si elle allait l’enfoncer dans la poitrine d’un être détesté. L’œuvre de Ghomari était une merveille. L’ayant montrée à des parents proches, d’autres personnes voulurent l’admirer, les gens se glissaient dans l’échoppe aux volets clos et béaient de ravissement devant l’image.


    Arbo, l’infâme nain, ne tarda pas à être au courant et il prévint le Sultan qui envoya ses mokhasnis. Ghomari fut jeté en prison et le tapis ramené au Sultan.


    A sa vue, le Sultan éprouva un curieux sentiment, mélange de colère et d’admiration. Il le fit accrocher dans la chambre où il dormait.


    Un jour il le fit voir à Djeunara. La malheureuse passait des heures à pleurer dans le harem et à se lamenter sur son triste sort ; lorsqu’elle se trouva en présence de la tapisserie elle dit :


    « Ghomari »


    « Oui c’est lui le traite qui a tissé ce tapis, il sera exécuté avant que le soleil se couche ».


    Le soir même il fut égorgé.


    A partir de ce moment Djeunara cessa de pleurer, elle fut constamment de bonne humeur, elle plaisantait…


    Le Sultan et Arbo en furent tout surpris…


    Un jour Djeunara expliqua à Arbo son désir de posséder un bracelet d’une valeur inestimable qui se trouve chez le rabbi Yakoub au bout du mellah ; « il coute très chère et je n’ose les demander au maître », as-tu les moyens de me l’acheter ? ».


    « Tes désirs sont des ordres » dit l’affreux nain, mais son idée était plus de voler le bracelet que de l’acheter.


    Arbo partit, Djeunara se faufila dans les appartements du Sultan, ce dernier reposait sur un divan au pied de la tapisserie ; son oreille toujours inquiète perçut un léger bruit, il venait de voir Djeunara qui tenait dans sa main droite un poignard et l’élevait en l’air exactement comme le faisait la Djeunara de la tapisserie.


    Il se mit à crier de toutes ses forces. Les gardes, serviteurs… accoururent.


    Djeunara s’était reculée jusqu’au mur, appuyée à la tapisserie, le hasard avait voulu que la jeune fille se trouvât exactement devant son effigie et en épousait parfaitement sa représentation.


    Le Sultan criait : « tuez-là, tuez-là ».


    Les personnes présentent regardèrent vers la tapisserie sans voir la jeune fille. Ils le prirent pour un fou.


    Un à un ils sortirent de la pièce ; lorsque le dernier eût quitté la pièce, la lourde porte peinte de couleurs vives fut refermée, la barre de fer tirée. Un fou n’est-il pas déjà un mort ?


    Le successeur du Sultan Sidi Ahmed, fut prévenu de l’état d’Abd-el-Moumème.


    Le Sultan enfermé s’approcha doucement de la tapisserie, peut-être avait-il eut une hallucination !... Il étendit la main pour la toucher… Un mouvement vif, le poignard était tombé et s’était enfoncé jusqu’à la garde entre ses deux épaules.


    Au matin, Sidi Ahmed entra dans le palais, il ouvrit avec précautions la lourde porte de la chambre.


    Le Sultan gisait mort sur le divan, baignant dans son sang, et, près de lui, une femme riait, riait…




    Tags Tags : , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :