• Contes et légendes de Lorraine - Le Graoully

    Dans la ville de Metz vivait le Graoully.

    C’était un monstre horrible et redoutable. Il avait l’allure générale d’un gigantesque crocodile. Son cou, allongé se terminait par une tête aplatie. Sa gueule énorme était armée de deux rangées de dents brillantes et acérées comme les dents d’une scie. Ses yeux ressemblaient à deux gros charbons ardents et sa langue pointue et triangulaire brillait comme la flamme d’une forge. Son haleine empestait l’atmosphère d’une odeur de souffre et de corne brûlée.

    Le Graoully se déplaçait assez lentement sur des pattes plutôt courtes, munies de griffes tranchantes et effilées, et sa queue se traînait dans la poussière en formant de multiples ondulations. Des écailles rugueuses, recouvraient tout son corps.

    Il avait deux immenses ailes qui étaient fixées sur son dos.

    Malgré sa masse énorme, le Graoully se déplaçait dans le ciel de Metz en faisant de larges cercles inquiétants. Il n’avait qu’un seul point faible : il avait peur de l’eau et ne s’approchait jamais de la Moselle.

    Le Graoully était la terreur de tous les habitants de Metz et des environs.

    Sa nourriture préférée était la chair humaine.

    Chaque jour il dévorait une proie vivante.

    L’épouvantable bête hantait les abords de l’amphithéâtre romain, en compagnie d’un nombre incalculable d’autres reptiles, plus petits mais non moins effrayants.

    Dans la campagne, les paysans ne s’y aventuraient plus, le bétail ne sortait plus des étables. En ville, plus personne ne se sentait en sécurité.

    Quand il avait faim, le Graoully,  planait longuement en rasant les toits, à la recherche d’une victime à dévorer.

    Les soldats ne pouvaient le tuer, car les flèches glissaient sur sa carapace et les javelots se brisaient contre ses écailles aussi dures que du fer.

    A sa vue, les gens se terraient dans leurs maisons.

    Depuis de nombreuses années, le Graoully exerçait dans la villeses ravages, quand un noble personnage du nom de Clément arriva à Metz vers la fin du deuxième siècle.

    Il venait de Rome, avec la mission de prêcher l’évangile.

    Clément, que le peuple ne tarda pas à appeler Saint Clément, prêchait sur les places publiques et les gens de Metz touchés par son éloquence, l’écoutaient avec une vive attention.

    Un jour un vieux légionnaire lui demanda de débarrasser la ville du Graoully.

    Saint Clément, mis au courant des innombrables méfaits de ce monstre, accepta cette requête.

    Le lendemain matin, il se rendit du côté de l’amphithéâtre où le Graoully se tenait le plus souvent. Il partit seul, sans armes, refusant l’aide de quelques soldats qui lui avaient offert de l’accompagner.

    Le peuple regardait la scène avec crainte.

    Saint Clément s’avançait toujours, sans manifester la moindre appréhension. Son visage exprimait, au contraire une grande confiance.

    Au détour d’une arche, le Graoully se dressa, formidable, prêt à bondir.

    Saint Clément ne broncha pas, il fixa froidement le monstre dans les yeux et étendit la main.

    Le Graoully, surpris, parut hésiter, figé sur place, incapable de mouvements.

    Alors, Saint Clément, retira l’étole qu’il portait et la lança au cou du monstre.

    Elle s’accrocha aux écailles et s’enroula autour de la gorge de la bête.

    Saint Clément serra fortement le nœud ainsi formé et tint le monstre enchaîné.

    Puis il le traîna jusqu’au bord de la Seille et le précipita dans l’eau profonde.

    Dan un énorme bouillonnement, le Graoully disparut pour toujours.

    En remerciement, chaque année les messins organisent une procession et promène à travers les rues l’image du Graoully dans la joie et la bonne humeur.

    De passage à Metz en 1547, Rabelais décrit ainsi le Graoully : « Effigie ridicule et terrible aux petits enfants, ayant la tête plus grosse que le corps, avec larges, amples et horrifiques, mâchoires, bien endentées, tant en-dessus qu’au-dessous, lesquelles avec l’engin d’une petite corde, on faisait l’une contre l’autre, terrifiquement, cliqueter. » (Pantagurel, IV-59)

    La dernière effigie du Graoully est toujours  conservée à la sacristie de la cathédrale de Metz.






    Tags Tags : , , , ,
  • Commentaires

    Aucun commentaire pour le moment

    Suivre le flux RSS des commentaires


    Ajouter un commentaire

    Nom / Pseudo :

    E-mail (facultatif) :

    Site Web (facultatif) :

    Commentaire :