• Contes et légendes de Lorraine - L’aqueduc de Jouy-aux-Arches - Histoire d’Azita, fille de Noé

    Il y a avait déjà plusieurs années que les eaux du déluge s’étaient retirées de la surface dela terre. De l’arche accrochée aux flancs du mont Ararat Noé et toute sa famille étaient descendus joyeux de fouler enfin le sol ferme.

    Sem, Cham et Japhet, les trois fils du patriarche, s’étaient immédiatement mis à cultiver la terre encore humide, et, lassés de leurs longues périgrinations, n’aspiraient qu’à une vie calme, au milieu de leurs champs et de leurs vignes.

    Mais Azita, la jeune fille de Noé, était d’humeur vagabonde. Au cours du séjour prolongé qu’elle avait fait dans l’arche, elle avait contracté le goût de l’aventure et des voyages. L’imprévu d’une nouvelle randonnée, pleine de hasards, à travers des terres toutes neuves, l’attirait irrésistiblement.

    Azita qu’accompagnaient plusieurs de ses neveux et nièces, se remit en marche, et, parcourant les continents et les océans, elle erra pendant quelques années encore, infatigable, incapable de se fixer.

    Mais un jour, elle arriva dans un endroit qui lui parut si agréable, si plaisant qu’elle comprit aussitôt que c’était là le lieu rêvé qu’elle cherchait depuis toujours. Elle décida de s’y établir.

    C’était, en effet, un pays où tout promettait un délicieux séjour. Il y avait une vallée assez large, au confluent de deux rivières, dont l’une s’appelait ka Moselle et l’autre, la Seille. Des collines aux pentes mollement ondulées formaient un cirque amplement ouvert. Le climat paraissait d’une grande douceur. On y trouvait en abondance des prunes d’un jaune doré, tacheté de points rouges, si douces à la bouche qu’on croyait manger du miel : les fameuses mirabelles de Lorraine. Le sol était jonché d’autres fruits rouges, veloutés : les succulentes fraises, qui, bien plus tard, devaient faire la renommée de Woippy.

    Azita s’était fixée au cœur du pays messin.

    En quelques années, elle se trouva à la tête d’un peuple nombreux, qu’elle gouvernait avec sagesse et prudence. La région fournissait toute la nourriture nécessaire. Le blé et la vigne y croissaient facilement, dans la plaine et sur le flanc des coteaux. Les forêts environnantes regorgeaient de gibier, et le poisson abondait dans les eaux de la Moselle.

    Ainsi, pendant longtemps, le règne d’Azita se poursuivit sans le moindre incident.

    Mais une catastrophe imprévue s’abattit un jour sur ce peuple laborieux et paisible. Depuis plusieurs semaines, il pleuvait sans interruption sur toute la région. De gros nuages noirs déversaient sans cesse de véritables trombes d’eau, comme au temps le plus affreux du déluge. La Moselle, si sage à l’ordinaire, commençait à déborder dangereusement. Dans la vallée, l’eau montait d’heure en heure, et tous ceux qui avaient établi leur habitation à proximité de la rivière étaient obligés de fuir, abandonnant aux flots en furie leurs biens les plus précieux.

    Azita crut que le déluge allait recommencer. Toutes les terreurs qu’avait engendrées l’affreux cataclysme, lui revinrent à l’esprit.

    Le peuple fut encore plus prompt à s’affoler. De toutes parts, on accourait aux pieds de la reine, là suppliant de construire en hâte un nouveau vaisseau, une arche plus vaste encore que celle de Noé, afin que chacun pût y trouver un refuge.

    Mais Azita réfléchit.

    -        
    Une arche, répondit-elle au peuple, ne pourra jamais vous contenir tous. Et puis, nous serons emportés loin de ces lieux que nous avons choisis et que nous aimons. Les retrouveront-nous à notre retour ? Ce qu’il nous faut pour échapper à l’inondation, c’est un pont haut et solide. Nous nous y réfugierons tous et quand les eaux se seront retirées, nous regagnerons facilement nos maisons.

    Le peuple approuva d’une voix unanime la proposition d’Azita.

    Et aussitôt, les travaux de construction commencèrent sur chaque rive de la Moselle. Dans une hâte fébrile, chacun apporta sa contribution à l’œuvre de salut. Pendant une semaine, on assembla des pieux, on éleva des murs, on construisit les arches du pont.

    Mais un matin, la pluie cessa brusquement et le soleil reparut dans le ciel serein. Peu de temps après, la Moselle regagna son lit.

    Le peuple, qui avait si courageusement entrepris ces immenses travaux, commença dès lors à les trouver bien pénibles. Les uns après les autres, les hommes inventèrent des prétextes pour se soustraire à la corvée. L’un affirmait qu’après l’inondation, son champ réclamait tous ses soins. L’autre prétendait que ses bêtes ne pouvaient plus rester enfermées à l’étable et qu’il devait les conduire au pâturage. Un autre se découvrait soudain une grave maladie, ou un parent souffrant qu’il était dans l’obligation de soigner.

    En quelques jours, le chantier bourdonnant, fiévreux d’une activité intense, devint désert, et les murailles restèrent abandonnées à leur sort.

    Azita n’hésita pas. Car le beau temps, semblait revenu définitivement, et toute menace était écartée.

    Les travaux demeurèrent donc inachevés. Et voilà pourquoi, on voit encore aujourd’hui les arches d’un pont gigantesque de chaque côté de la rivière.





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