• Le fleuve du Dragon Noir ne porte son nom actuel que depuis que Vieux-Li-sans-queue s'y est installé. A l'origine, ce n'était pas un Dragon Noir qui y vivait, mais un Dragon blanc féroce, qui s'attaquait aux gens et provoquait souvent des inondations.

    Vieux-Li-Sans Queue était originaire du destrict de Yie au Shandong. Dès le matin du jour de sa naissance, le ciel se couvrit de nuages et il souffla un grand vent bizarre, qui fut suivi d'une averse. La pluie tombait si dru que la vue en était obstruée. C'est par un temps si détestable que Vieux-Li-Sans Queue était venu au monde.

    Sa mère allaitait son nouveau né, mais à chaque fois, elle s'évanouissait de douleur. Son père, qui avait déjà beaucoup de mal à subvenir aux besoins de la famille, se faisait encore plus de souci maintenant qu'il avait trois bouches à nourrir.

    Aussi, dès qu'il vit ce monstre tout noir à son retour des champs, il lui flanqua un coup de bêche sur la queue, d'où le nom de Vieux-Li-Sans Queue. Dans sa douleur, le malheureux sauta en l'air, traversa le toit dans un roulement de tonnerre, se précipita vers le nord-est dans une traînée de feu et descendit dans le fleuve du Dragon Noir.

    Etant originaire du Shandong, Vieux-Li-Sans Queue avait beaucoup de sympathie pour les gens de son pays natal. On dit que pour naviguer sur le fleuve du Dragon Noir, il faut d'abord demander:
    - "Y a-t-il quelqu'un du Shandong?" et il suffit de répondre "oui!" même s'il n'y en a pas en réalité, le bateau est à l'abri de tout accident.

    C'est pour cela que depuis de nombreuses années, aucun navire n'a coulé dans le fleuve du Dragon Noir, car c'est là que vit Vieux-Li-Sans Queue. Comme il est très bon avec les gens du Shandong, il jouit d'une très bonne réputation parmi eux.

    Vieux-Li-Sans Queue revient toujours dans son pays natal le 13e jour de la 5e lune de chaque année, jour anniversaire de la mort de sa mère, pour se prosterner devant la sépulture de celle-ci. Le jour où il rentre, il pleut toujours. Les habitants du Shandong ont l'habitude de dire:
    - Même après trois ans de sécheresse, on n'oublie pas le 13e jour de la 5e lune. Ce jour-là, même s'il fait beau, on se garde de faire sécher les vêtements, car c'est le jour où Vieux-Li-Sans Queue revient ajouter de la terre sur la tombe de sa mère. Souvent, à cette occasion, Vieux-Li-Sans Queue n'oublie pas d'offrir aux villageois des spécialités du fleuve du Dragon Noir, aussi compte-t-on beaucoup sur ce jour où le vent et la pluie leur apportent quelque chose de très particulier.

    Ce n'est cependant pas sans difficulté que Vieux-Li-Sans Queue s'était installé dans le fleuve du Dragon Noir.

    A l'époque, sur les deux rives du fleuve du Dragon Noir s'étendaient de vastes friches presque inhabitées à cause des inondations continuelles. Là, vivait un vieux défricheur. Un jour, il vit venir un jeune homme très noir qui lui demanda de l'héberger pour la nuit. Le lendemain le gars lui dit:

    - Vieux père, je suis sans feu ni lieu, j'ai envie de me réfugier chez vous, êtes-vous d'accord?

    - Pourquoi pas? répondit le vieux, fais comme tu veux, il y a suffisamment de quoi manger pour toi. Travaille un peu quand tu en auras envie, et repose-toi quand ça ne te dira rien.

    C'est ainsi quele jeune homme s'établit là. Les premiers jours, il aida le vieux à couper du bois et à faire le ménage, puis il prépara les repas pour le vieux qui s'occupait des champs. Ils vécurent ainsi en bon termes pendant assez longtemps.

    Un jour, à midi, le vieux revint des champs, harassé de fatigue.

    - Eh bien, combien de terre avez-vous défriché? demanda le gars.

    - Pas beaucoup, répondit le vieux, car il y a trop de racines d'arbres dans le sol.

    - J'ai une idée, reprit le gars, j'en ai assez de rester toujours à la maison, que diriez-vous de rester faire la cuisine tandis que j'irais aux champs à votre place?

    - Soit!

    L'après-midi, ils firent comme convenu. Après le déjeuner, le vieux fit une longue sieste, qui dura jusqu'à la fin de l'après-midi. Désireux de savoir comment le jeune homme travaillait, il se rendit alors sur le lieu du travail.

    Il n'était pas encore arrivé qu'il entendit le vent souffler et vit des arbres s'abattre sur le sol. De la poussière et des pierres dansaient dans le ciel. Le vieux fut surpris de voir que c'était un Dragon Noir qui travaillait là. Il déracinait les gros arbres de sa queue à moitié amputée, aussi facilement que s'ils avaient été des pousses de sorgho. Les arbres abattus s'entassaient jusqu'au ciel.

    A cette vue, le vieux n'osa plus avancer, de peur d'être atteint par les pierres qui volaient en tout sens. Il retourna alors à la maison.

    Le soir, après le retour du jeune homme, ils s'assirent pour dîner ensemble.

    - Comment as-tu travaillé? demanda le vieux?

    - Assez bien. Ces derniers jours, je commençais à m'ennuyer, à force de rester toujours à la maison, c'est pourquoi j'en ai mis un sacré coup!

    - Mais ce que tu as fait est très fort!

    - Comment! Vous m'avez vu?

    - Oui, je suis allé te voir, mais je n'ai pas osé m'approcher, de crainte d'être tué par les volées de pierres et de morceaux de terre.

    - Vieux père, dit le gars en riant, puisque vous m'avez vu, je ne peux plus rien vous cacher. Je vois que vous êtes très bon, je voudrais qu'on soit dorénavant amis intimes.

    - Je veux bien.

    - Vieux père, à vrai dire, j'ai envie de m'installer ici.

    - Fais comme tu veux, je n'y vois pas d'inconvénient.

    - Non, vieux père, vous n'avez pas compris, je veux dire m'installer dans le fleuve.

    - Vas-y alors, personne ne t'en empêche.

    - Cela ne va pas, dit le jeune homme en secouant la tête, il y a déjà quelqu'un dans le fleuve, et si je veux m'y installer, il faut que je me batte avec lui.

    - Et bien vas-y.

    - Mais il est plus fort que moi!

    - Comment faire alors?

    - Aidez-moi, vieux père!

    - Mais comment pourrais-je t'aider, alors que je ne sais même pas nager?

    - Vous n'avez pas à descendre dans le fleuve. Mon adversaire a une maison. Il peut rentrer manger chaud chez lui quand il a faim. Mais moi, je ne peux que boire de l'eau du fleuve pour tromper ma faim. Comment pourrais-je le vaincre? Voilà ce que vous allez faire pour m'aider: Le jour de notre combat, vous préparerez du pain et des pierres que vous entasserez au bord du fleuve. Quand vous verrez de la mousse noire et une main noire sortir de l'eau, vous jetterez des pains; et lorsque vous verrez de la mousse blanche et une main blanche, vous lancerez des pierres. Comme ça, vous me rendrez un grand service.

    A ces mots, le vieillard dit:

    - Pas difficile, compte sur moi.

    Ceci dit, le gars lui précisa le nombre de pains et de pierres qu'il fallait préparer, l'endroit où les déposer et la distance à garder entre les tas de pains et de pierres. Dès lors, le vieux se mit à faire des préparatifs et le gars sortit tous les jours s'entraîner.

    Le jour du combat arrivé, le gars descendit dans le fleuve. Ce jeune homme était en réalité Vieux-Li-Sans Queue. Aussitôt les eaux du fleuve se mirent à s'agiter. Les vagues se succédaient les unes aux autres, se brisaient contre les berges en faisant trembler les deux rives. Le vieillard observa attentivement le déferlement des eaux.

    Peu après, de la mousse noire et une main noire sortirent de l'eau, et le vieillard jeta des pains. Un moment après, de la mousse blanche et une main blanche montèrent du fond du fleuve, aussitôt il lança des pierres. Le combat dura du matin jusqu'au soir et finalement Vieux-Li-Sans Queue vainquit le Dragon blanc.

    Depuis que Vieux-Li-Sans Queue s'est installé dans le fleuve, les eaux sont devenues noires d'où son nom: Fleuve du Dragon Noir...

    ...Vieux-Li-Sans Queue est très bon! Lors de "l'incident du 18 septembre", (Le 18 septembre 1931, l'armée japonaise du Guandong attaqua la ville de Shenyang et commença à occuper les trois provinces du Nord-Est de la Chine.) il a même participé à la résistance contre les japonais. A ce moment-là, deux régiments de volontaires sur des bateaux étaient talonnés par les navires des agresseurs japonais. Tout à coup, surgit un petit canot conduit par un vieillard à la barbe noire.

    - N'ayez pas peur, suivez-moi!

    Ce disant, il sauta sur le bateau des combattants et ordonna:

    - Démarrez!

    En disant cela, il fit un signe de la main et un épais brouillard s'abattit sur le fleuve. Du coup, on ne voyait plus rien sur l'eau. Mais le bateau des volontaires sur lequel était le vieillard avançait à la vitesse d'une flèche.

    C'est ainsi que les deux régiments de volontaires réussirent à s'échapper aux Japonais. Lorsque le brouillard se fut dissipé, le vieux à la barbe noire n'était plus là, on ne voyait plus sur le bord du bateau que deux gros caractères: "Vieux Li".



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  • Le Roi Dragon s'occupe principalement des pluies. Quand il fait tomber la pluie, il y a de l'eau sur la terre; s'il ne le faisait pas, les êtres vivants en souffriraient beaucoup.

    On dit que dans l'Antiquité le Roi Dragon Luyibashida était très despotique. Il interdisait souvent à la Déesse des Pluies de travailler, si bien que les sources, puits et cavernes de la terre n'avaient pas d'eau, les champs se fendillaient de sécheresse, et les êtres vivants mouraient de soif.

    Les êtres humains haïssaient tellement ce Dragon que le ciel en fut informé. Les immortels célestes discutèrent ensemble pour sauver l'Humanité. Un immortel nommé Qiangladuji dit:

    - Laissez-moi arranger cette affaire, je connais un moyen pour sauver l'Humanité.

    Déguisé en serviteur, Qiangladuji arriva chez Luyibashida. Il y travailla laborieusement et le Roi Dragon l'apprécia beaucoup. Un jour, trouvant que le moment était venu, il dit:

    - Votre majesté le Roi Dragon, votre famille est la plus riche au monde. Il n'y a pas d'autre famille aussi riche et aussi prospère que la vôtre. Vous avez tout et ne manquez de rien Votre réputation est telle que les montagnes baissent la tête devant vous. Pourtant, il y a encore une chose que votre famille ne possède pas.

    - Laquelle? dit le Dragon en levant haut sa tête orgueilleuse. Je possède tout!

    - Vous savez déjà, chuchota Qiangladuji mystérieusement, que le Phoenix est la créature la plus noble au monde et ses oeufs la chose la plus précieuse. Ce qui vous manque, c'est un oeuf de Phoenix.

    Le Roi Dragon changea vite d'attitude et dit avec des signes de tête:
    - Eh bien, où peut-on trouver cet objet précieux? Pourrais-tu m'en trouver un?

    - Ce n'est pas difficile, si vous le désirez, dit Qiangladuji, je peux certainement vous en trouver un.

    Sortant alors du Palais royal, il monta au ciel et vit trois oeufs brillants dans le nid d'un Phoenix sur l'arbre divin. Juste à ce moment, le Phoenix qui couvait les oeufs était sorti chercher de la nourriture, alors il vola en cachette un oeuf, et repartit le donner au Dragon. En possession de l'oeuf multicolore de Phoenix, celui-ci rayonnait de joie.

    Alors, Qiangladuji lui dit:

    - Mon roi respecté, vous êtes vraiment maintenant le plus riche du monde, vous possédez tout et rien ne vous manque plus. J'ai fait ce que je devais faire, je vais rentrer.

    De retour au ciel, Qiangladuji discuta encore un instant avec les immortels Zhongbuya et Qingliennijiang, puis il attendit le retour du Phoenix pour discuter comment punir le Roi Dragon.

    En rentrant à son nid, le Phoenix s'aperçut qu'un oeuf avait disparu, et il se mit à le chercher partout, en volant 90 000 lis à l'est, 90 000 lis à l'ouest, mais sans parvenir à retrouver son oeuf. Fou de colère, il allait et venait dans tous les sens du ciel, en monologuant:

    - Mon nid est sur l'arbre divin, dont les branches soutiennent les neuf cieux, aucun animal au monde ne peut y être monté, personne ne peut avoir volé mon oeuf! Qui me l'a volé ?

    C'est alors que Qiangladuji s'approcha et demanda:

    - Noble Phoenix, pourquoi voles-tu ainsi dans tous les sens ? Qu'est-ce que tu cherches ?

    - J'ai perdu un oeuf, dit le Phoenix, sais-tu qui me l'a volé ?

    - Eh bien, je sais qui a volé ton oeuf, dit Qiangladuji avec des signes de tête. Mais je ne peux te le rapporter. Si tu veux, tu peux venir au Palais céleste discuter un peu avec nous.

    Le Phoenix se hâta de le suivre au Palais céleste. Les immortels qui y attendaient demandèrent à la vue du Phoenix:

    - Oh, Phoenix, tu as des ailes qui peuvent couvrir le ciel et des pattes à griffe comme l'éclair, peux-tu aller chercher le Roi Dragon Luyibashida dans l'eau ? Oserais-tu le faire ?

    - Rien de plus facile, répondit le Phoenix. Mais pourquoi dois-je le tirer de l'eau ? Je ne veux que savoir qui a volé mon oeuf.

    - Tire le Roi Dragon Luyibashida de l'eau, dirent les immortels, c'est lui qui a volé ton oeuf.

    Quand il entendit cela, les pattes du Phoenix tremblèrent de colère: Il voulut tout de suite aller régler son compte au Dragon. Mais les immortels l'arrêtèrent en disant :

    - Si tu tires tout son corps de l'eau, les hommes mourront. Il suffit que tu traînes sa tête ici, et nous aurons alors le moyen de lui faire rendre ton oeuf.

    En agitant ses ailes, le Phoenix vola au 81e étage du ciel, puis il replia ses ailes et se laissa tomber droit dans la mer.

    D'un coup, la mer se fendit et apparurent le Palais et le Roi Dragon au fond de la mer. C'est alors que le Phoenix saisit le Dragon par le cou avec ses griffes et tira sa tête de l'eau, tout en lui demandant en colère:

    - Quelle est la longueur de ton corps ?

    Troublé par cette brusque attaque, le Dragon répondit vite:

    - Mon corps est très long, tu n'en as sorti qu'à peine une moitié.

    A ces mots, le Phoenix continua de monter, jusque devant les immortels. Et tout en tenant solidement le cou du Dragon, il cria:

    - Tu es très malhonnête, pourquoi as-tu volé mon oeuf ? Si tu me rends mon oeuf, je te ferai grâce. Sinon tu verras !

    Le cou serré par le Phoenix, le Dragon ne pouvait parler et il présenta des excuses avec des signes de tête. Les immortels dirent en le montrant du doigt:

    - Luyibashida, alors que tu es le Roi Dragon, tu interdis à la Déesse des Pluies de faire pleuvoir, si bien que les champs se fendent, les plantes meurent, les êtres humains et les animaux ne peuvent vivre. Tu ne fais pas ce que tu dois faire, mais tu voles en cachette l'oeuf du Phoenix, si bien que le ciel et tous les êtres vivants te haïssent! Maintenant, nous te demandons si tu vas rendre son oeuf au Phoenix ?

    - Je vais le rendre, je vais le rendre! acquiesça le Dragon de la tête.

    - Feras-tu tomber les pluies ?

    - Je le ferai, je le ferai!

    - Alors, à ton retour, envoie ton serviteur rendre son oeuf au Phoenix, envoie la Déesse faire vite tomber la pluie pour que toutes les sources, tous les puits et toutes les cavernes aient de l'eau, que les cultures poussent, que l'Humanité ait de quoi manger et que tous les êtres vivent bien. Vas-tu le faire ?

    - Oui, oui!

    - Si tu le fais, l'Humanité te respectera, te priera et t'offrira chaque année des offrandes et des sacrifices.

    Puis ils dirent au Phoenix de replacer doucement le Dragon dans la mer. Mais Qiangladuji s'approcha du Phoenix et lui chuchota:

    - Saisis-le de toutes tes forces et fais-le tomber brutalement.

    Le Phoenix agit selon le conseil de Qiangladuji, il lâcha le Dragon si énergiquement que les eaux de la mer jaillirent en de hautes colonnes, qui devinrent des milliers et des milliers de gouttes et volèrent aux alentours. En tombant sur la terre, les grandes gouttes devinrent de grands fleuves et rivières, les petites devinrent des sources, puits et cavernes.

    Depuis lors, le peuple Pumi respecte le Roi Dragon selon les directives des Immortels et fait des offrandes chaque année aux fleuves, rivières, lacs, sources, puits et cavernes, pour prier le Roi Dragon de donner une bonne vie à la population Pumi. Après avoir été puni par le Phoenix, le Dragon n'a plus osé commettre de méfaits.

     


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  • Le cerf craint le loup, le loup craint le tigre, et le tigre craint le grand ours, le plus féroce des animaux. Le crâne revouvert de longs poils semblables à une tignasse, marchant debout sur ses pattes de derrière, il est extraordinairement fort et s'attaque même à l'homme.

    Au sud de l'Etat de Chu vivait un chasseur qui, sur sa flûte de bambou, arrivait à imiter toutes sortes de cris d'animaux. Muni d'un arc et d'un petit pot de grès au fond duquel couvaient quelques braises, il se rendait dans la montagne et imitait l'appel du cerf. Croyant retrouver un de leurs frères, des cerfs arrivaient et le chasseur les tuait avec des flèches enflammées.

    Un jour, en l'entendant imiter le cri du cerf, un loup accourut. Le chasseur pris de frayeur lança un rugissement de tigre. Le loup s'enfuit, mais un tigre parut. Terrifié, l'homme imita le grognement du grand ours. Le tigre s'en fut, mais croyant rencontrer un de ses semblables, un ours énorme se présenta. Ne trouvant qu'un homme, il se jeta sur lui, le mit en pièces et le mangea.

    Aujourd'hui encore, ceux qui se servent d'artifices au lieu de compter sur leurs propres forces finissent toujours par s'attirer un destin semblable à celui du chasseur.

     



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  • Il y a bien longtemps, dit-on, le Dragon s'occupait spécialement du feu des fourneaux de la Reine Mère au Palais céleste. Quand on avait besoin de flammes pour de la cuisine, le Dragon soufflait sur les feux de toutes ses forces; et après, pour simplement entretenir le feu, il fermait d'un coup l'âtre à moitié. Chaque jour il devait accomplir ce travail simple et monotone.

    Avec le temps, trouvant cela ennuyeux, il se mit à souffler sur le feu, et à fermer l'âtre avec moins d'intérêt et d'assiduité, si bien que parfois le feu s'éteignait ou que les plats n'étaient pas assez cuits. La Reine Mère s'en prit plusieurs fois à tort au cuisinier.

    Un jour, la Reine Mère voulut manger de la viande de mouton rôtie. Comme les flammes n'étaient pas assez fortes, la viande, pas assez rôtie, avait une odeur désagréable. Son estomac étant fragile, la Reine Mère vomit longtemps. Très fâchée, elle jeta le morceau de viande, dont elle n'avait mangé qu'une bouchée, dans le fourneau si violemment que des étincelles jaillirent dans tous les sens.

    Puis elle prit le tisonnier et abattit sur la tête du Dragon une série de coups, tout en criant:

    - Le plus grand paresseux du monde! Tu ne peux même pas accomplir correctement cette petite tâche, que pourrais-tu faire d'autre? Il va falloir t'arracher ta peau de cinq couleurs et étirer tes muscles paresseux!

    Sous la douleur causée par les coups, le Dragon fit le dos rond; longtemps après, il répliqua:

    - Reine Mère, Reine Mère, je sais qu'un grand morceau de bois peut être utilisé comme poutre, mais on n'a jamais entendu dire qu'on pouvait s'en servir comme d'une canne! Moi qui ai de si grands talents, pourquoi m'occuper seulement au feu des fourneaux, au lieu d'accomplir quelqu'autre grande mission?

    Bien qu'elle fronçât comme toujours les sourcils et poussât quelques "hum" avec son nez, la Reine Mère réfléchit un peu et trouva que les paroles du Dragon n'étaient pas dépourvues de bon sens, elle se contint et dit alors au Dragon:

    - Bon, bon, puisque tu ne veux pas t'occuper de mes fourneaux, descends alors dans le monde, les champs y sont accidentés, et il s'y produit souvent des cataclysmes. Il faut faire quelque chose. Va t'en occuper. Cependant tu dois savoir qu'il n'y a là-bas que deux grandes affaires: L'eau et le sol, qui regardent la vie de tous les êtres du bas monde. Ne travaille pas négligemment!

    - Je le sais, je le sais, acquiesça le Dragon avec des signes de tête. Soyez tranquille.

    Enchanté de quitter si vite les fourneaux et d'aller accomplir une grande mission, il s'envola vers le monde.

    Là-bas, il vit les cimes ondulées des montagnes, et à plusieurs endroits, de la fumée et de la poussière, il entendit de vagues bruits de tremblement de terre. Il allongea le nez, incommodé par ces grondements désagréables et ces odeurs de fumée et de poussière. Mais à l'idée du tisonnier cruel de la Reine Mère, il se contraignit à replacer avec sa queue les morceaux de terre et de roches écroulés, et à combler les fentes du sol.

    Au bout d'une seule journée, il était fatigué et à bout de souffle. Il maugréa dans son coeur:

    "Peuh! Reine Mère, que vos deux yeux s'aveuglent! Quelle grande mission? Vous me changez seulement de fourneau. Avec mes talents, ne puis-je pas m'occuper d'autre chose que de ce feu de fourneau, de ces fumées et de cette poussière, de ces morceaux de terre et de roches?"

    Irrité de la méchanceté de la Reine Mère, il s'endormit, cela dura on ne sait combien de temps.

    Un jour, un grand accident arriva: Une grande partie du mont Taishan, qui soutient le coin nord-est du ciel s'écroula, le ciel en fut tout agité et la terre bouleversée, même le Palais céleste de la Reine Mère trembla, si fort qu'elle tomba de son lit de jade. Elle frotta un peu ses yeux ensommeillés, et sans avoir besoin de rien demander, elle devina à peu près ce qui s'était passé. Elle envoya immédiatement l'immortel Erlang chercher le Dragon sur la terre. A sa vue, elle gronda en pointant le bout de son nez:

    - Quelle bêtise, quelle bêtise! Comment, as-tu autant dormi? Tu as bel et bien remué le ciel et la terre!

    La tête rentrée de peur, le Dragon expliqua en grimaçant un sourire:

    - Reine Mère, je vous prie d'apaiser votre colère, puisque dans votre sagesse vous savez reconnaître les grands talents, vous devriez également très bien savoir les évaluer et les utiliser. Par exemple moi, avec mes grands talents, au lieu de la terre, il me convient d'administrer les eaux. Si vous m'envoyez m'occuper de la mer immense et surveiller les inondations, peut-être pourrais-je vite réussir dans ces tâches.

    Ne sachant trop que penser, la Reine Mère hésita un instant, puis elle dit:

    - Eh bien, eh bien, va alors administrer les eaux!

    Le Dragon arriva en volant à l'immense mer tumultueuse. Il fut très content de trouver enfin un endroit où il pourrait faire preuve de ses capacités.

    Comme une flèche, il se tournait et se retournait avec enthousiasme sur les vagues pour les apaiser. Ah! Quelle mission grandiose! Pourtant son ardeur ne dura pas et au bout d'une quinzaine de jours, il commença à s'ennuyer. Il pensait:

    "La mer n'est qu'un grand fourneau, et les vagues, les flammes. Ce que je fais, c'est toujours de souffler sur le feu et de fermer l'âtre. Pourquoi n'ai-je pas d'autre grande mission à accomplir?"

    Plus il réfléchissait, plus il était dégoûté. D'un coup, il plongea au fond de la mer. Il y vit de belles choses multicolores, tous les poissons vinrent se mettre à son service. Il pouvait se nourrir à son aise.

    Plus tard, il se nomma Roi Dragon des eaux et ordonna aux poissons de construire pour lui un Palais magnifique. Depuis lors, il y habita, toujours ivre, sans se soucier ni de la faim, ni du froid, et sans distinguer non plus les nuits des jours.

    Pendant ce temps sur la terre, des inondations se produisaient chaque année, l'eau de mer montait sans cesse, inondant les plaines, les montagnes, et pour finir parvint à la Porte sud du Palais céleste. La Reine Mère, qui était en train d'admirer le paysage, fut frappée par de hautes vagues, et ses précieuses chaussures brodées de fleurs furent mouillées. Ne pouvant retenir sa colère, elle murmura:

    - Pendard! Il a laissé les vagues agitées monter jusqu'à la Porte sud du Palais!

    L'immortel Erlang fut envoyé dans le monde. Peu de temps après, il rentra et rapporta:

    - Reine Mère, catastrophe! L'eau de la mer s'est mélangée avec le ciel! Et ce Dragon des eaux est allongé dans son Palais jouant avec ses beautés.

    La Reine Mère fut tellement indignée qu'elle en oublia de faire minutieusement ses chignons en forme de nuages. Elle ordonna immédiatement à l'armée céleste d'aller arrêter le Dragon des eaux. Ligoté comme un ballot, celui-ci fut apporté chez la Reine Mère; à peine eut-il présenté ses excuses que la Reine Mère le réprimanda d'un signe de la main:

    - Hum, hum! Tais-toi! Tais-toi! Je vais te mettre d'abord dans le fourneau trois jours et trois nuits, puis dans la glacière trois jours et trois nuits, pour t'éclaircir un peu les idées...

    Six jours plus tard, les écailles du Dragon étaient brûlées par les flammes et son menton s'allongea à cause du froid. Il supplia en tremblant:

    - Reine Mère, excusez-moi, je vous prie de me faire grâce, je veux racheter mon crime par des services méritoires.

    - Eh bien, je te fais grâce de la vie, dit la Reine Mère. Mais cette fois, je vais te mettre entre le ciel et la terre, pour que tu t'occupes des nuages et des pluies; plus concrètement, tu administreras spécialement les beaux jours et la tombée des pluies.

    Quand les beaux jours auront duré assez longtemps, tu devras faire tomber la pluie, et après une longue pluie, tu devras donner à nouveau les beaux jours. C'est une tâche importante et minutieuse, mais si tu t'y montres encore paresseux, la loi céleste ne te pardonnera plus!

    - Je sais, je sais, répéta le Dragon.

    Comme elle ne faisait pas grande confiance au Dragon, la Reine Mère envoya cette fois le dieu du Tonnerre, au caractère irascible, le surveiller. Quand il y avait des nuages noirs, le dieu du Tonnerre battait le tambour avec des bâtons pour presser le Dragon de faire tomber la pluie, et lorsque la pluie tombait depuis longtemps, il battait le tambour pour lui rappeler d'arrêter la pluie.

    On dit que depuis lors, le tonnerre gronde habituellement quand il pleut. Et le Dragon s'est habitué à rassembler les nuages et à faire tomber les pluies sous la surveillance et la menace des bâtons du dieu du Tonnerre.




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  • L'artisan Kong Shu était en train de sculpter un phénix. Il avait à peine ébauché l'aigrette et les pattes et n'avait pas encore ciselé le plumage. Quelqu'un dit en regardant le travail : "Cela ressemble à un hibou." Et un autre: "Ca rappelle plutôt un pélican."

    Chacun de rire et on s'accorda pour trouver cette sculpture affreuse et l'auteur sans talent.

    Lorsqu'il fut terminé, le phénix avait une surperbe aigrette émeraude qui se dressait, vaporeuse, au-dessus de sa tête. Ses pattes vermillons avaient des reflets éblouissants, ses plumes chatoyantes semblaient faites du brocart que tissent les nuages au coucher du soleil et sa gorge était couleur de feu. Un coup de pouce sur un ressort caché fit s'envoler avec un battement d'ailes l'oiseau mécanique, et trois jours durant, on le vit monter et descendre à travers les nuages.

    Tous ceux qui avaient critiqué Kong Shu ne tarissaient plus d'éloges sur son oeuvre merveilleuse et son talent prodigieux.

     



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  • Longjing était autrefois un petit village perdu, avec une dizaine de foyers dispersés dans le vallon. On plantait des arbres et des bambous dans les collines plus éloignées, dans celles avoisinant les villages, on cultivait des céréales. Toute l'année on s'éreintait dans les champs, sans pouvoir pourtant manger à sa faim.

    Aux abords du village, il y avait une chaumière délabrée où pénétraient la pluie et le vent; là habitait une vieille femme solitaire, sans enfant. Trop âgée pour grimper les collines ou aller aux champs, elle ne pouvait pour tout travail, que s'occuper de 18 arbres à thé derrière sa maison.

    Ces arbustes avaient été plantés des dizaines d'années auparavant, du vivant de son mari. Faute de soins et de fumier, les théiers n'étaient guère feuillus, et chaque année ils ne produisaient que quelques kilos de thé de mauvaise qualité.

    Bien qu'elle menât une vie dure, la vieille dame était très affable: elle mettait deux bancs dans son appentis et préparait tous les jours du thé sur sa réserve annuelle pour désaltérer les passants.

    Une veille du Nouvel An, tandis que la neige tombait dru, les voisins achetèrent peu ou prou de denrées alimentaires pour passer la fête. La vieille dame était si pauvre que même le riz allait lui faire défaut; elle n'avait rien d'autre que quelques poignées de thé dans le pot.

    Mais elle se leva cependant de bonne heure comme d'habitude et, après avoir mis une poignée de thé dans la marmite, elle alluma le feu et fit bouillir l'eau. Soudain un grincement se fit entendre, la porte s'ouvrit. Un vieillard couvert de neige entra. En le voyant, elle alla à sa rencontre:
    - Il neige au dehors, lui dit-elle, entrez donc vous réchauffer un peu !

    Après avoir épousseté la neige sur ses habits, le vieillard s'installa près du feu et se mit à bavarder avec la vieille dame.

    - Qu'est-ce que vous cuisez dans la marmite?

    - C'est tout bonnement du thé que je prépare.

    Le vieillard s'étonna:

    - Aujourd'hui c'est la veille du Nouvel An, demain ce sera la fête. Chaque famille s'affaire à préparer le sacrifice en cuisant des viandes, pourquoi faites-vous seulement du thé?

    Elle avoua en soupirant:

    - Hélas, je suis seule et pauvre! Je n'ai pas de quoi pour offrir un sacrifice: tout ce que je peux faire, c'est de préparer du thé pour désaltérer les passants.

    A ces mots, l'homme éclata de rire:

    - Mais non, vous n'êtes point pauvre, devant votre porte, il y a un objet précieux.

    Ces paroles excitant sa curiosité, la vieille dame passa la tête au dehors pour regarder. Tout était comme d'habitude: l'appentis de bois de pin, deux vieux bancs, et dans un coin un mortier usé plein d'ordures entassées depuis des années.

    En désignant du doigt le mortier, le vieillard dit:

    - Voilà l'objet précieux!

    Croyant à une plaisanterie, la vieille dame lui proposa en souriant:

    - Si vous considérez ce mortier usé comme un objet précieux, il est à vous emportez-le!

    - Mais, comment pourrais-je prendre gratis votre trésor! Vendez-le-moi, je vais faire venir mes gens pour l'emporter. Ceci dit, bravant la grande neige, il partit tout joyeux.

    Regardant le mortier usé, la vieille dame pensa:

    "Comme il est sale, comment pourrait-on l'emporter dans cet état!"

    Alors, elle enleva les ordures avec une pelle et les enterra près des racines des 18 théiers. Puis elle alla puiser un seau d'eau dans le puits pour laver le mortier; avec les eaux souillées, elle arrosa les théiers.

    Aussitôt après le nettoyage du mortier, le vieux monsieur vint avec ses gens. Lorsqu'il arriva devant la porte, il ne put s'empêcher de se lamenter:

    - Hélas, où est le trésor? Où est le trésor maintenant?

    La vieille dame, stupéfaite, désigna le mortier:

    - Le voilà, il est toujours là!

    Tapant du pied, il lui demanda:

    - Où avez-vous mis les choses qui étaient dedans?

    - Je les ai répandues sur les racines des arbres à thé derrière la maison.

    Quand il eut constaté de ses yeux que la vieille dame avait dit vrai, il poussa de soupirs de regret:

    - C'est bien dommage, c'est bien dommage! Les ordures entassées depuis des années dans le mortier usé étaient vraiment des trésors, mais puisque vous les avez mises sur les racines des théiers, ça fera du bien à vos arbustes.

    Ceci dit, il partit tout désappointé avec ses gens.

    Après le Nouvel An, ce fut bientôt le printemps. Cette année-là, chose étrange, les 18 arbres à thé de la vieille dame portaient beaucoup de feuilles. En outre, après la cueillette, les feuilles de thé s'avérèrent d'un goût savoureux accompagné d'un parfum délicat.

    Voyant que les arbres à thé de la vieille dame poussaient à merveille, on sema leurs graines sur les flans des collines proches et lointaines après avoir abattu les bambous et les arbres et récolté les céréales.

    Les théiers se multiplièrent et s'accrurent d'année en année, et finirent par couvrir toutes les montagnes et les champs environnant Longjing.

    Depuis, le thé vert Longjing est devenu célèbre tant pour son goût savoureux que pour son parfum.

    Aujourd'hui encore, les cultivateurs de thé disent souvent que les 18 théiers de la vieille dame sont les ancêtres du thé vert Longjing.




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