• Contes et légendes de Lorraine - La fille du meunier

    Un jour, un meunier et sa femme étaient allés à la noce. Leur fille, restée seule au moulin, alla chercher sa cousine pour venir coucher avec elle. Pendant qu'elles disaient leurs prières, la cousine aperçut deux hommes sous le lit. « Tiens ! » pensa-t-elle, « ma cousine vient me chercher pour coucher avec elle, et il y a quelqu'un sous son lit. » Puis elle dit tout haut : « Ma cousine, je vais aller mettre ma chemise, que j'ai oubliée chez nous. - Je peux bien vous en prêter une des miennes. - Merci, ma cousine ; je n'aime pas à mettre les chemises des autres. - Revenez donc bientôt. - Oui, ma cousine. »
    La fille du meunier l'attendit longtemps. Enfin, ne la voyant pas revenir, elle se décida ˆ se coucher. Tout à coup les deux voleurs sortirent de dessous le lit en criant : « La bourse ou la vie ! - Nous n'avons point d'argent », dit la jeune fille, « mais nous avons du grain : prenez-en autant que vous voudrez. » Ils montèrent au grenier. Comme il n'y avait pas de cordes aux sacs, la jeune fille leur dit d'aller au jardin chercher de l'osier pour les lier, et, quand ils furent sortis, elle ferma la porte.
    Les voleurs avaient une main de gloire, mais la jeune fille ayant eu soin de pousser le verrou, ils ne purent rentrer. « Ouvrez-nous », lui crièrent-ils. - Passez-moi d'abord votre main de gloire par la chatière. « L'un des voleurs la passa, et, tandis qu'il avait la main sous la porte, la jeune fille la lui coupa d'un coup de hache. Aussitôt les deux compagnons prirent la fuite.
    Au point du jour, on entendit le violon : c'était les gens de la noce qui revenaient. Le meunier et sa femme étant rentrés au logis, la jeune fille ne leur dit rien de ce qui lui était arrivé.
    Quelque temps après, le voleur dont la main avait été coupée se présenta pour demander la jeune fille en mariage. Il s'était fait faire une main de bois, qu'il avait soin de tenir toujours gantée ; il se disait le fils de M. Bertrand, qui était un homme considéré dans le pays : aussi les parents de la jeune fille furent-ils très flattés de sa demande.
    Le voleur dit un jour à la jeune fille : « Venez donc voir mon beau château au coin du petit bois. - J'irai ce soir », répondit-elle, mais elle resta à la maison. Quand le voleur revint, il lui dit : « Vous n'êtes pas venue au château ; vous m'avez manqué de parole. - Que voulez-vous ? » répondit-elle, « je n'ai pu y aller ; j'irai demain... Mais pourquoi portez-vous toujours un gant ? - C'est que je me suis fait mal à la main », dit le voleur.
    Le lendemain, la jeune fille monta en voiture avec un cocher et un laquais. Au coin du petit bois, elle vit une maison d'apparence misérable. « Voilà », dit-elle, Ç une triste maison. Restez ici, mon cocher, mon laquais ; je vais voir ce que c'est. « Elle alla donc seule vers la maison et aperçut en y entrant sa cousine, que le voleur égorgeait. « Pour Dieu ! pour Dieu ! » criait-elle, Ç laissez-moi la vie ! jamais je ne dirai à ma cousine qui vous êtes. - Non, non ! qu'elle vienne, et elle en verra bien d'autres ! « La fille du meunier, qui était entrée sans être remarquée, se hâta de sortir en emportant le bras de sa cousine que le voleur venait de couper. Il y avait sous la table une trentaine de gens ivres, mais personne ne la vit.
    Mon cocher, mon laquais », dit la jeune fille, « fuyons d'ici ; c'est un repaire de voleurs. » De retour au moulin, elle raconta ce qu'elle avait vu. Comme le prétendu devait venir le soir même, on appela les gendarmes, on les habilla en bourgeois et on les fit passer pour des amis de la maison.
    En arrivant, le voleur dit ˆ la jeune fille : « Vous m'avez encore manqué de parole ; vous n'êtes pas venue voir mon château. - C'est que j'ai eu autre chose à faire », répondit-elle. Vers la fin du repas, le voleur lui dit : « Entre la poire et la pomme, il est d'usage que chacun conte son histoire : mademoiselle, contez-nous donc quelque chose. - Je ne sais rien », dit-elle, « contez vous-même. - Mademoiselle, à vous l'honneur de commencer. - Eh bien ! je vais vous raconter un rêve que j'ai fait. Tous songes sont mensonges ; mon bon ami, vous ne vous en fâcherez pas. - Non, mademoiselle. »
    « Je rêvais donc que vous m'aviez invitée à venir voir votre château. J'étais partie en voiture avec mon cocher et mon laquais. Au coin du petit bois, je vis une maison d'apparence misérable. Je dis alors à mon cocher et ˆ mon laquais de m'attendre, et j'entrai seule dans la maison. J'aperçus mon bon ami qui tuait ma cousine. Tous songes sont mensonges ; mon bon ami, ne vous en fâchez pas. - Non, mademoiselle. - " Pour Dieu ! pour Dieu ! " « criait-elle, " laissez-moi la vie! jamais je ne dirai à ma cousine qui vous êtes. - Non, non, qu'elle vienne, et elle en verra bien d'autres !" Je ramassai le bras de ma cousine que mon bon ami venait de couper, et je m'enfuis. Messieurs, voici le bras de ma cousine. »
    Les gendarmes saisirent le voleur, et on le mit à mort, ainsi que toute sa bande.



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